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Le ministère de l'écologie assène encore aux parlementaires ses dogmes et ses biais sur les moulins et l'hydro-électricité

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Interrogé par une sénatrice de la Nièvre sur la nécessité de respecter les moulins comme patrimoine et comme potentiel énergétique, le ministère de l'écologie vient de produire une réponse écrite illustrant à nouveau sa dérive : abus de pouvoir dans la prétention à dire arbitrairement quel projet d'énergie renouvelable serait intéressant ou non, accumulation de caricatures à charge sur les moulins et retenues qui méconnaissent les données récentes de la recherche scientifique comme les observations des citoyens sur le terrain. Aucun mot pour dire que la destruction des sites – soulevant la crainte de la sénatrice et l'exaspération des riverains –– est exclue. La haute administration "eau et biodiversité" qui produit de tels textes ne peut pas prétendre de bonne foi qu'elle cherche une politique de "continuité apaisée" des rivières : elle cherche à freiner ou interdire la relance énergétique des moulins, elle vise à détruire les ouvrages en rivière auxquels elle n'attribue que des défauts, elle est incapable de produire un consensus avec les propriétaires et riverains ulcérés des dérives qui ne sont jamais reconnues. Aussi longtemps que cette haute administration persistera dans une attitude aussi biaisée, agressive et simpliste, la confiance sera rompue entre l'action publique et les ouvrages hydrauliques. En attendant, chaque association poursuivra en justice tout abus de pouvoir visant à détruire un ouvrage autorisé ou à empêcher sa relance énergétique, comme elle informera sans relâche ses élus de la nécessité de réviser en profondeur cette politique conflictuelle et coûteuse. 


Dans sa réponse à la sénatrice de la Nièvre Nadia Sollogoub, le gouvernement rappelle d'abord la place de l'hydro-électricté en France et dans les soutiens de l'Etat :

Ministère de l'écologie : "L'hydroélectricité est la première source de production d'électricité renouvelable, Elle est importante à la fois pour le système électrique national et le développement économique local. Le maintien et le développement de cette ressource, dans le respect des enjeux environnementaux, sont indispensables pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques ambitieux que notre pays s'est fixés. Le potentiel restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant et par les enjeux de protection de l'environnement, mais il existe encore une marge de progression et d'optimisation du parc. Dans ce cadre, le Gouvernement soutient donc la réalisation de nouveaux investissements de développement de l'hydroélectricité. (...) La petite hydroélectricité fait par ailleurs l'objet, au même titre que les autres filières renouvelables, d'un soutien au développement via l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d'achat et du complément de rémunération pour l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, des cours d'eau et des eaux captées gravitairement, ainsi que via des appels d'offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique et solidaire. Les pico-centrales pour les particuliers peuvent bénéficier de ces dispositifs."
Il est utile de rappeler ces dispositifs aux parlementaires, mais un exercice de vérité du ministère de l'écologie serait bienvenu: dans de nombreux cas, les porteurs de projets hydro-électriques sont confrontés à des demandes totalement disproportionnées qui induisent plusieurs années d'instruction administrative du dossier, mais surtout l'équivalent de plusieurs années, parfois plusieurs décennies, de revenus d'exploitation (ou de leur équivalent si c'est un projet d'autoconsommation). C'est insensé car aucune activité ne se lance dans de telles conditions. S'il est logique, nécessaire et assez peu coûteux de demander un passage pour les poissons sur un nouveau projet de construction de barrage (on le prévoit dès la conception du génie civil), il n'y a pas de sens à le demander systématiquement sur des ouvrages anciens en place de longue date, autour desquels le vivant est déjà ré-organisé, et dont beaucoup sont déjà franchissables certaines périodes de l'année en raison de leur très modestes dimensions. Quand des équipements assez simples comme des grilles fines de protection permettent de protéger 98 à 100% des poissons qui passent dans le canal d'amenée (travaux de Tomanova 2018), c'est vers là qu'il faut se diriger. Ainsi que vers le respect du débit minimum biologique et vers des gestions de vannes en période migratoire. Si des dispositifs complexes sont demandés (passes techniques, rivières de contournement), ce ne peut être qu'avec un soutien public massif car on sait depuis la première loi échelle à poissons de 1865 (150 ans de retour d'expérience!) que les coûts sont inabordables pour des particuliers ou des petits exploitants.

Le ministère de l'écologie doit donc faire une instruction formelle sur la petite hydro-électricité aux services instructeurs (DREAL, DDT-M, AFB) en rappelant que les mesures de compensation ou d'accompagnement écologique d'un projet doivent respecter les règles de réalisme économique et de proportionnalité aux impacts. Sans cela, les blocages continueront, aggravés par l'arbitraire de la situation actuelle où un fonctionnaire local peut demander à peu près ce qu'il veut, sans autre limite que son bon plaisir à imaginer toutes sortes d'impact possible à corriger et sans autre recours qu'une longue procédure en justice administrative.

Enfin un rappel : la recherche européenne a montré que la France possède au moins 25000 ouvrages anciens de moulins pouvant être relancés, cela dans tous les territoires et sans travaux de nouveaux barrages sur les rivières (Punys et al 2019). Un petit moulin produit l'équivalent électricité hors chauffage de 1 à 10 foyers, un moulin important de 10 à 100 foyers. Il est totalement contraire aux objectifs de transition bas carbone et de prévention du changement climatique d'entraver le développement de ce potentiel qui se retrouve dans quasiment toutes les communes françaises traversées par une rivière.
Ministère de l'écologie : "L'équipement des seuils existants pour de la petite voire très petite hydroélectricité se doit donc d'être sélectif et de faire l'objet d'une réflexion à l'échelle du cours d'eau sur la proportionnalité des impacts par rapport à la production électrique générée." 
Le ministère de l'écologie commet ici un abus de pouvoir, et il le sait. 

Dans l'arrêt du Conseil d'Etat "moulin du Boeuf" de 2019, il est expressément expliqué par le juge que l'intérêt d'un projet d'énergie renouvelable ne s'apprécie pas selon sa puissance :
"Il résulte de ces dispositions que la valorisation de l’eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource constitue l’un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dont les autorités administratives chargées de la police de l’eau doivent assurer le respect. Il appartient ainsi à l’autorité administrative compétente, lorsqu’elle autorise au titre de cette police de l’eau des installations ou ouvrages de production d’énergie hydraulique, de concilier ces différents objectifs dont la préservation du patrimoine hydraulique et en particulier des moulins aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, compte tenu du potentiel de production électrique propre à chaque installation ou ouvrage."
Dans la directive européenne énergies renouvelables de 2018, il est expressément dit par le législateur de l'Union que tous les projets doivent être soutenus en Europe y compris l'autoconsommation en petite puissance :
"Les petites installations peuvent largement contribuer à renforcer l'acceptation par le public et à assurer le déploiement de projets en matière d'énergie renouvelable, en particulier au niveau local.""Les États membres peuvent imposer des frais non discriminatoires et proportionnés aux autoconsommateurs d'énergies renouvelables pour l'électricité renouvelable qu'ils ont eux-mêmes produite et qui reste dans leurs locaux, dans l'un ou plusieurs des cas suivants: (...)c) si l'électricité renouvelable produite par les autoconsommateurs est produite dans des installations d'une capacité électrique installée totale supérieure à 30 kW." 
Ce problème dure depuis 10 ans : les plus hauts représentants de l'administration centrale "eau et biodiversité" de l'Etat vont au-delà voire contre ce que dit la loi comme par la jurisprudence. On peut supposer que ces propos sont répercutés aux services instructeurs de l'administration, qui vont essayer de donner des avis défavorables à la relance des moulins. On entre encore dans un cycle de blocages et de contentieux, n'ayant rien d'une "continuité apaisée".


Ministère de l'écologie : "Il faut toutefois souligner que la multiplication de ces installations dans les cours d'eau peut avoir, par effet de cumul, des impacts écologiques. En effet, les seuils fragmentent les cours d'eau, limitent plus ou moins fortement le déplacement des espèces, nécessaire à l'accomplissement de leur cycle de vie et à leur renforcement génétique. Par ailleurs, les seuils ralentissent les eaux qui se réchauffent plus vite l'été, perdent de l'oxygène et créent des habitats de milieux stagnants favorisant des espèces moins exigeantes et moins diversifiées, incompatibles avec le bon état des cours d'eau. Ces retenues peuvent en outre ennoyer des habitats, qu'il faut reconquérir pour restaurer la biodiversité aquatique. Le maintien des seuils existants et de leurs dérivations de débits, et l'ajout d'installations hydroélectriques nouvelles peuvent donc créer des dommages à l'environnement."
Le ministère de l'écologie dit ici toutes les raisons pour lesquelles, selon lui, les seuils en rivière ne devraient pas exister. Mais comment peut-il prétendre de bonne foi qu'il veut une "continuité apaisée" et persister ainsi dans des jugements qui poussent à une seule conclusion : il vaudrait mieux faire disparaître les seuils et autres ouvrages en rivière? Il ne le peut pas, et c'est la raison pour laquelle la "continuité" apaisée" restera un slogan de mauvaise foi tant que le ministère de l'écologie ne changera pas sa doctrine concernant l'avenir des rivières françaises et de leurs ouvrages.

Qu'un ouvrage en rivière ait un impact sur le milieu physique et biologique, c'est une évidence : une rivière aménagée par l'homme depuis quelques millénaires n'est plus une rivière "naturelle" telle qu'elle serait sans l'homme ! On peut dire la même chose des forêts, des prairies, des alpages, des garrigues, des littoraux... et de l'ensemble des milieux physique du pays, qui ne sont plus ce qu'ils étaient jadis.

Pour autant, les ouvrages en rivières ont-ils que des impacts négatifs? Non. Ont-ils des impacts graves quand il s'agit d'ouvrages anciens? Non. Est-ce la priorité de la directive cadre européenne 2000 sur la qualité des eaux? Non. Les moulins, étangs et autres ouvrages anciens ont-ils aussi des qualités? Oui... et beaucoup !

Le problème ici est que le ministère de l'écologie écarte un grand nombre de travaux scientifiques qui ne collent pas avec son approche assez dogmatique procédant par généralités et biais de sélection. Pour prendre quelques études sur l'effet des ouvrages (seuils, digues, barrages), des canaux et des plans d'eau artificiels :

  • les barrages sont à conserver et gérer pour le vivant et le débit en adaptation au changement climatique (Beatty et al 2017
  • l'indifférence et l'ignorance sur les écosystèmes aquatiques artificiels conduit à des mauvais choix de conservation biologique (Clifford et Hefferman 2018)
  • les masses d'eau d'origine anthropique servent aussi de refuges à la biodiversité (Chester et Robson 2013
  • un étang augmente la densité de certains invertébrés et la disponibilité d'eau pour le vivant (Four et al 2019)
  • plans d'eau et canaux contribuent fortement à la biodiversité végétale (Bubíková et Hrivnák 2018
  • mares, étangs et plans d'eau doivent être intégrés dans la gestion européenne des bassins hydrographiques en raison de leurs peuplements faune-flore (Hill et al 2018)
  • la biodiversité des poissons d'eau douce provient en partie de la fragmentation des milieux (Tedesco et al 2017)  
  • un effet positif des barrages est observé sur l'abondance et la diversité des poissons depuis 1980 (Kuczynski et al 2018)
  • la biodiversité des étangs piscicoles est d'intérêt en écologie de la conservation (Wezel et al 2014)
  • les canaux servent de corridors biologiques pour la biodiversité (Guivier et al 2019)
  • les petits ouvrages ont des effets comparables aux barrages de castor (Ecke et el 2017)
  • la morphologie des rivières françaises est modifiée depuis déjà 3000 ans et nos choix de gestion l'ignorent (Lepsez et al 2017)
  • les effacements d'ouvrages avantagent certaines espèces mais en pénalisent d'autres et ce n'est pas correctement évalué (Dufour et al 2017)
  • les chantiers de restauration de rivières françaises souffrent d'une faiblesse scientifique, d'une dimension subjective et de résultats incertains (Morandi et al 2014
  • les sciences humaines et sociales ont leur mot à dire sur la valeur des ouvrages hydrauliques et les représentations de la nature (Sneddon et al 2017)
  • la densité des barrages n'est que le 13e facteur d'influence sur les critères DCE de l'eau, très loin derrière les pollutions et usages de sols (Villeneuve et al 2015)
  • les seuils dénitrifient les rivières en zone agricole (Cisowska et Hutchins 2016)
  • les barrages stockent les excès de phosphore (Maavara et al 2016)
  • des retenues d'étangs piscicoles éliminent les pesticides (Gaillard et al 2016
  • les effacements d'étang ont un bilan défavorable pour l'eau et le vivant (Aldomany 2017)
  • les alevinages des pêcheurs influencent davantage la génétique des poissons que les ouvrages hydrauliques (Prunier et al 2018
  • les alevinages historiques des pêcheurs ont modifié davantage le peuplement certaines rivière que la présence de barrages (Haidvogl et al 2015
  • les saumons peuvent franchir un seuil de moulin... en évitant même les passes à poissons (Newton et al 2017)
  • les ombres et les truites peuvent franchir la plupart des ouvrages de moulins d'une chute inférieure à 1,8 m (Ovidio et al 2007)
  • l'écrevisse à pattes blanches bénéficie de la fragmentation des cours d'eau par les chutes naturelles et artificielles (Manenti et al 2018
  • les truites peuvent vivre 200 générations dans un cours d'eau fragmenté (Hansen et al 2014)

Pourquoi ces travaux, et des dizaines d'autres recensés dans nos pages "science, ne sont pas intégrés aujourd'hui dans la réflexion du ministère de l'écologie et dans ses explications aux parlementaires? 

Pourquoi persiste-t-on à dresser un portrait en noir et blanc des ouvrages hydrauliques, alors que la recherche scientifique est bien plus nuancée, surtout à mesure que s'accumulent des données nouvelles et que se pose la question décisive du changement climatique? 

Pourquoi fait on croire que les rivières françaises pourraient ou devraient retrouver une forme qu'elles avaient il y a 2, 5 ou 10 siècles, alors que l'écologie de la conservation reconnaît que les milieux et les espèces changent dans l'histoire, donc que seule compte finalement l'estimation réelle, au cas par cas, de la biodiversité et de la fonctionnalité des milieux, qu'ils soient "naturels" ou "artificiels", d'origine spontanée ou dirigée?

Nous subissons en réalité une écologie administrative, jacobine et simpliste. La direction de l'eau et de la biodiversité n'est ni crédible ni légitime dans sa prétention à détruire les ouvrages anciens au nom de dogmes, elle fait perdre du temps et de l'argent à tous les acteurs, elle néglige des actions bien plus utiles pour la qualité de l'eau, pour le climat et pour la biodiversité : toute la politique publique de la rivière souffre inutilement de ce blocage ministériel.

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Rendez-vous les 27 et 28 juillet 2019 au château de Sully (71) pour nos rencontres annuelles, avec de nombreux échanges autour de ces questions. Ecrivez-nous pour recevoir l'invitation.


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