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Metabarcoding: quand l'ADN révèle la biodiversité des rivières (Deiner el al 2016)

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Les équipes suisse et nord-américaine de Kristy Deiner et Florian Altermatt viennent de publier dans Nature Communications un article plein de promesses sur l'utilisation de l'ADN environnemental pour évaluer la biodiversité des rivières et bassins versants. Cette méthode, dite du metabarcoding, peut détecter par un seul prélèvement des milliers de génomes d'espèces présentes à l'amont du point de mesure. Une vraie révolution pour les diagnostics écologiques, dont une faiblesse connue est la difficulté d'acquérir des données de qualité sur les hydrosystèmes. 

Tous les organismes présents dans et autour d'une rivière perdent des petits éléments organiques sous forme de tissus, gamètes, organelles ou cellules. On y trouve leur ADN, qui est appelé ADN environnemental (eDNA en acronyme anglais, ADNe dans cet article). Jadis, retrouver ces modestes traces auraient été une gageure. Mais la révolution génomique est passée par là.

Le contenu total en biodiversité d'un échantillon ou d'un site est parfois difficile à évaluer par la voie classique (capture, tri et morphologie visuelle permettant d'assigner un taxon). On utilise depuis quelques années des méthodes appelées barcoding et metabarcoding. Grâce aux progrès de la bio-informatique (séquençage très haut-débit), on peut identifier et amplifier des extraits génétiques connus et assignés à des espèces (les "code-barres"), comme les séquences conservées qui entourent des ARN ou des gènes mitochondriaux. Le processus de séquençage se tient en parallèle et il est largement automatisé, ce qui permet d'assigner rapidement les ADNe d'individus du milieu étudié à un catalogue génétique pré-établi d'espèces. Sachant que les bases publiques internationales conservent déjà des centaines de milliers d'échantillons génétiques. Ficetola GF et al 2008 (Université de Grenoble) et Porazinska DL 2009 (Université de Floride) avaient par exemple déjà utilisé des méthodes de ce type pour explorer un environnement aquatique.

Parmi les avantages du metabarcoding pour les milieux aquatiques: détection de l'ensemble des communautés d'une rivière, évitement du biais d'autocorrélation spatiale des mesures classiques, technique non létale, pas de perturbation des zones échantillonnées, coût extrêmement réduit par un protocole de prélèvement unique.


Extrait de Deiner et al 2016, art cit, droit de courte citation.

Kristy Deiner et ses collègues ont ici étudié la rivière Glatt en Suisse. Ils ont identifié 296 familles appartenant à 19 embranchement (phyla) eucaryotes. Toutes les familles ont été vérifiées par rapport à des espèces connues en Suisse ou dans l'un des quatre pays adjacents (cf image ci-dessus, cliquer pour agrandir).

Parmi les 296 groupes, 196 étaient des arthropodes. Parmi les macro-invertébrés, 65 ont été détectés par l'ADN environnemental et 13 supplémentaires par la méthode classique du filet. Sur ce total de 78 taxons, 32 ont été uniquement identifiés par l'ADNe, et auraient donc été ignorés par l'échantillonnage classique. Sur les 13 spécimens identifiés au filet, 11 étaient bien présents dans l'ADNe, mais leurs alignements de paires de base n'ont pas répondu aux valeurs de filtre choisies par les auteurs pour l'identification.

La diversité alpha s'est révélée proportionnelle à la superficie du bassin versant au droit de l'échantillonnage, phénomène non retrouvé dans les mesures traditionnelles. La diversité bêta s'est comportée de manière inverse (identique dans l'ADNe, augmentant avec la distance dans l'analyse au filet). Cela s'explique notamment par la circulation de l'ADNe : il tend à être transporté vers l'aval, sur des distances allant de 200 m à 12 km selon la littérature. Le metabarcoding ne donne donc pas une photographie de la biodiversité à l'échelle d'une station (où l'échantillonnage classique reste plus précis), plutôt d'un tronçon ou d'un petit bassin versant. Il augmente la diversité au point de mesure (d'où l'alpha supérieur à la méthode classique) et lise les différences entre sites proches (d'où la bêta inférieure). Malgré cela, c'est un outil extrêmement puissant pour identifier rapidement la présence d'espèces que l'on ne peut repérer toutes par la voie habituelle.

Les auteurs relèvent diverses limitations actuelles de cette méthode : dégradation ou dispersion de l'ADNe (ultraviolet, pH, température, crue), sensibilité au choix des marqueurs (appelés primers) et aux bases de référence (l'analyse montre par exemple moins de poissons, de vers et de diatomées que n'en contient réellement le bassin versant), progrès à faire dans la détection des faux positifs et négatifs. Il n'en reste pas moins que par sa simplicité de prélèvement, sa puissance d'analyse et ses premiers résultats tangibles, le metabarcoding environnemental représente une vraie révolution dans l'étude de la biodiversité, en particulier celle des rivières qui transportent les traces ADN des organismes aquatiques et terrestres.

Référence : Deiner K et al (2016), Environmental DNA reveals that rivers are conveyer belts of biodiversity information, Nature Communications, 7, 12544, doi:10.1038/ncomms12544

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