La loi "Liberté de création, architecture et patrimoine", dite plus simplement loi Patrimoine ou loi PAC, est en cours d'élaboration à l'Assemblée nationale et au Sénat. Plusieurs amendements ont été défendus par des élus, mais les plus intéressants ont été censurés par les députés. Point sur la suite des délibérations parlementaires.
En mars, à l'occasion de la seconde lecture de la loi Patrimoine, l'Assemblée nationale a supprimé un article proposé en amendement qui assurait l'introduction des "systèmes hydrauliques" comme "élément du patrimoine culturel, historique et paysager" protégé de la France. Les députés ont également écarté une modification de l'article L 211-1 du Code de l'environnement visant à garantir que la "gestion équilibrée et durable" de la ressource en eau assure la préservation de ce patrimoine. Il est assez dramatique que nos élus ne conçoivent pas la protection du patrimoine bâti des rivières comme une condition d'équilibre de leur gestion: veut-on signer un blanc-seing au lobby du BTP qui, sous couvert d'un pseudo-progrès pseudo-écologique, se frotte les mains face à la multiplication des chantiers à financement public de destruction et démantèlement d'ouvrages? Va-t-on rester passif face à cette mode absurde qui prétend effacer dix siècles d'histoire sans même être capable de garantir le moindre objectif de résultat vis-à-vis de nos vraies obligations sur la qualité biologique, chimique et physique de l'eau?
Le seul élément de protection qui a pour le moment échappé à la lecture en forme de censure de l'Assemblée concerne l'article L 214-17 CE. Les exigences de la continuité écologique (transport suffisant des sédiments et circulation des poissons migrateurs) doivent être "mises en oeuvre dans le respect des objectifs de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L151-19 du code de l'urbanisme", dans la formulation actuellement retenue en amendement.
Dans l'hypothèse où cette protection serait maintenue, il resterait à définir sa concrétisation : un groupe de travail, mis en place par le Ministère de la Culture, doit examiner la manière de concilier les objectifs de continuité écologique et la problématique des chaussées de moulins. Espérons que le remède ne soit pas pire que le mal et n'ajoute pas un peu plus de complications sur un dossier déjà ingérable pour les propriétaires à force d'inflation réglementaire depuis 10 ans...
La seconde lecture de la loi Patrimoine au Sénat reprend le 24 mai prochain. Il faut que les associations de moulins, riverains et protecteurs du patrimoine se mobilisent en écrivant à leurs élus pour revenir à un texte garantissant une meilleure défense des ouvrages hydrauliques.
Chercher des solutions simples, et déjà sortir de l'idéologie destructrice de la "renaturation"
Sur le fond, la conciliation de la continuité écologique et du patrimoine est assez simple : il suffit (quand c'est réellement nécessaire) de financer des passes à poissons ou rivières de contournement, permettant de restaurer la franchissabilité piscicole tout en préservant les sites et leur vocation hydraulique. Sachant que l'enjeu sédimentaire d'un ouvrage modeste est à peu près nul.
Mais voilà, le non-dit de toute cette affaire, c'est que la Direction de l'eau et la biodiversité du Ministère de l'Environnement, l'Onema et les Agences de l'eau ont développé depuis 10 ans un programme de destruction de seuils et barrages allant bien au-delà des exigences de la loi. Cette idéologie de la renaturation ne veut pas seulement assurer le franchissement des poissons, elle entend faire disparaître tout bief, toute retenue, tout obstacle à l'écoulement. Fonctionnant comme réductionnisme écologique appauvri, cette vision est incapable de concevoir que les rivières, leurs ouvrages, leurs usages sont aussi des faits historiques et sociaux, que l'on ne peut pas réduire à une simple naturalité (encore moins quand cette naturalité confine au fantasme de la "rivière sauvage" ou de l'"intégrité biotique", avec comme horizon des peuplements "natifs" indéfiniment stables dans l'évolution, voir les critiques de Lévêque 2013, Bouleau et Pont 2015.)
Tant que cette dérive ne sera pas identifiée et combattue, les problèmes persisteront dans la mise en oeuvre de la continuité écologique. Et les milieux aquatiques continueront de se dégrader des multiples agressions dont ils sont victimes, l'effet des seuils de moulins étant le plus souvent négligeable par rapport aux autres impacts, outre les nombreux services rendus par les écosystèmes aménagés par rapport à des rivières "sauvages".
En mars, à l'occasion de la seconde lecture de la loi Patrimoine, l'Assemblée nationale a supprimé un article proposé en amendement qui assurait l'introduction des "systèmes hydrauliques" comme "élément du patrimoine culturel, historique et paysager" protégé de la France. Les députés ont également écarté une modification de l'article L 211-1 du Code de l'environnement visant à garantir que la "gestion équilibrée et durable" de la ressource en eau assure la préservation de ce patrimoine. Il est assez dramatique que nos élus ne conçoivent pas la protection du patrimoine bâti des rivières comme une condition d'équilibre de leur gestion: veut-on signer un blanc-seing au lobby du BTP qui, sous couvert d'un pseudo-progrès pseudo-écologique, se frotte les mains face à la multiplication des chantiers à financement public de destruction et démantèlement d'ouvrages? Va-t-on rester passif face à cette mode absurde qui prétend effacer dix siècles d'histoire sans même être capable de garantir le moindre objectif de résultat vis-à-vis de nos vraies obligations sur la qualité biologique, chimique et physique de l'eau?
Le seul élément de protection qui a pour le moment échappé à la lecture en forme de censure de l'Assemblée concerne l'article L 214-17 CE. Les exigences de la continuité écologique (transport suffisant des sédiments et circulation des poissons migrateurs) doivent être "mises en oeuvre dans le respect des objectifs de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L151-19 du code de l'urbanisme", dans la formulation actuellement retenue en amendement.
Dans l'hypothèse où cette protection serait maintenue, il resterait à définir sa concrétisation : un groupe de travail, mis en place par le Ministère de la Culture, doit examiner la manière de concilier les objectifs de continuité écologique et la problématique des chaussées de moulins. Espérons que le remède ne soit pas pire que le mal et n'ajoute pas un peu plus de complications sur un dossier déjà ingérable pour les propriétaires à force d'inflation réglementaire depuis 10 ans...
La seconde lecture de la loi Patrimoine au Sénat reprend le 24 mai prochain. Il faut que les associations de moulins, riverains et protecteurs du patrimoine se mobilisent en écrivant à leurs élus pour revenir à un texte garantissant une meilleure défense des ouvrages hydrauliques.
Chercher des solutions simples, et déjà sortir de l'idéologie destructrice de la "renaturation"
Sur le fond, la conciliation de la continuité écologique et du patrimoine est assez simple : il suffit (quand c'est réellement nécessaire) de financer des passes à poissons ou rivières de contournement, permettant de restaurer la franchissabilité piscicole tout en préservant les sites et leur vocation hydraulique. Sachant que l'enjeu sédimentaire d'un ouvrage modeste est à peu près nul.
Mais voilà, le non-dit de toute cette affaire, c'est que la Direction de l'eau et la biodiversité du Ministère de l'Environnement, l'Onema et les Agences de l'eau ont développé depuis 10 ans un programme de destruction de seuils et barrages allant bien au-delà des exigences de la loi. Cette idéologie de la renaturation ne veut pas seulement assurer le franchissement des poissons, elle entend faire disparaître tout bief, toute retenue, tout obstacle à l'écoulement. Fonctionnant comme réductionnisme écologique appauvri, cette vision est incapable de concevoir que les rivières, leurs ouvrages, leurs usages sont aussi des faits historiques et sociaux, que l'on ne peut pas réduire à une simple naturalité (encore moins quand cette naturalité confine au fantasme de la "rivière sauvage" ou de l'"intégrité biotique", avec comme horizon des peuplements "natifs" indéfiniment stables dans l'évolution, voir les critiques de Lévêque 2013, Bouleau et Pont 2015.)
Tant que cette dérive ne sera pas identifiée et combattue, les problèmes persisteront dans la mise en oeuvre de la continuité écologique. Et les milieux aquatiques continueront de se dégrader des multiples agressions dont ils sont victimes, l'effet des seuils de moulins étant le plus souvent négligeable par rapport aux autres impacts, outre les nombreux services rendus par les écosystèmes aménagés par rapport à des rivières "sauvages".