Le gouvernement affirme à qui veut l'entendre – et d'abord aux parlementaires inquiets des dérives de la politique de l'eau dans le domaine des ouvrages hydrauliques – qu'il discute d'une "charte" avec les représentants des moulins (FDMF et FFAM). A notre connaissance, c'est une discussion à sens unique, avec une volonté par la Direction de l'eau et de la biodiversité d'imposer un texte conçu pour plaire aux lobbies FNE et FNPF, certainement pas pour apaiser la situation. Nous conseillons vivement aux Fédérations concernées de communiquer publiquement sur ces questions, la transparence étant le meilleur remède à l'arbitraire. Il convient d'informer les élus et les citoyens de ce que la DEB refuse, afin de clarifier les points de blocage. Pour sa part, Hydrauxois propose ici une première version d'un préambule à une charte des moulins. Ce texte nous semble équilibré et raisonnable, n'excluant aucune option y compris l'effacement, mais posant diverses conditions de prudence et de connaissance préalables à la mise en oeuvre locale des réformes de continuité écologique. Commentaires et débats bienvenus.
Les ouvrages hydrauliques en rivière se sont développés depuis l'époque romaine, avec une accélération à partir du Moyen Âge. Parmi eux, les moulins ont connu leur plus grande extension aux XVIIIe et XIXe siècles. On compte aujourd'hui selon le Référentiel de l'Onema environ 60.000 seuils, chaussées et barrages de moulins sur les rivières françaises. Le recensement n'étant pas achevé, le chiffre définitif sera plus élevé.
Présents des têtes de bassin jusqu'aux littoraux, les moulins forment le troisième patrimoine bâti de France. Ils ont joué un rôle historique structurant dans le développement des territoires et dans l'implantation des populations au bord des rivières. Les écoulements et les peuplements des cours d'eau ont été modifiés de longue date par leur présence. Il en va de même pour les paysages des vallées et des plaines alluviales.
Les moulins sont nés d'une vocation énergétique et économique : transformer la puissance de l'eau en usage mécanique en vue de produire ou transformer des biens. Ils ont ensuite participé à l'aventure de l'électricité. Une partie minoritaire des moulins conserve aujourd'hui cet usage, parfois sous forme de productions locales (farines, huiles, etc.), le plus souvent sous forme de petites centrales hydro-électriques à fin de consommation familiale ou d'injection sur le réseau. Mais souvent, même sans usage au sens énergétique, industriel ou commercial, les ouvrages hydrauliques nécessaires à la production (barrage, bief, chambre d'eau et coursier de roue) sont entretenus et conservés, préservant ainsi le potentiel d'équipement. L'existence de ces ouvrages et le respect des conditions hydrauliques qu'ils induisent sont des conditions de reconnaissance du droit d'eau et de validité du règlement d'eau des moulins.
Les moulins qui n'ont plus d'usage énergétique peuvent avoir noué d'autres vocations, par exemple éducatives (écomusées, animation patrimoniale) et touristiques (chambres d'hôtes, gites ruraux, restaurants). Il n'est pas rare que l'eau de la retenue et du bief servent des usages locaux : valorisation paysagère des villes, réserve incendie, pompage pour arrosage, irrigation ou abreuvement, zones récréatives (baignades, pêches), etc. Beaucoup de propriétaires qui ont acheté ou ont hérité d'un moulin expriment un attachement à la dimension patrimoniale du bien : le moulin en tant que tel n'est jamais une simple maison au bord de l'eau, mais un édifice défini par sa destination à user de l'eau. Les attributs hydrauliques représentent son identité de moulin, et une part non négligeable de sa valeur foncière.
Enfin, il arrive aussi que des ouvrages en rivière aient été purement et simplement abandonnés, souvent après de multiples démembrements fonciers. Dans ce cas, ils ont perdu leur fonctionnalité (biefs voire retenues comblés) et ils ne sont plus en condition de respecter leurs obligations réglementaires (contrôle du niveau de l'eau).
Les seuils et barrages en lit mineur représentent des obstacles à l'écoulement naturel de l'eau. Ils ont en conséquence plusieurs impacts sur la rivière : changement de la ligne d'eau et du transit sédimentaire, limitation partielle ou totale de la circulation des poissons vers l'amont, évolution thermique local, modification du cycle carbone, azote et phosphore, etc. Certains effets sont positifs sur les milieux, d'autres sont négatifs.
Les effets physiques, chimiques, biologiques et écologiques d'un ouvrage en lit mineur sont généralement proportionnés à sa dimension : modestes pour la petite hydraulique, conséquents pour la grande hydraulique. Ces effets évoluent dans le temps. Certains impacts se cumulent quand le linéaire de la rivière est fragmenté par de nombreux moulins. La recherche scientifique sur les impacts spécifiques de la petite hydraulique (bien moins étudiée que la grande) est encore largement en cours de construction.
Il convient aujourd'hui de concilier la valorisation du patrimoine historique et culturel des moulins, le respect de leurs divers usages locaux, l'exploitation de leur potentiel énergétique et les programmes de restauration écologique des rivières. Ces derniers demandent des améliorations fonctionnelles de certains ouvrages, pour permettre une meilleure circulation des poissons et des sédiments, voire dans les cas les plus ambitieux des restaurations d'habitats.
Plusieurs options sont ouvertes pour diminuer les impacts écologiques négatifs des moulins : si les plus modestes n'appellent pas d'action particulière, d'autres peuvent demander une pleine fonctionnalité et une gestion attentive des vannes, voire la mise en place de dispositifs spécifiques de franchissement pour les poissons migrateurs. Il appartient en premier lieu au gestionnaire d'évaluer les besoins d'aménagement au terme d'une analyse scientifique menée à l'échelle de la rivière en son bassin versant. Cette analyse doit intégrer les paramètres de qualité biologique, physique, morphologique et chimique, la probabilité d'atteindre ou de s'écarter du bon état au sens de la DCE 2000, ainsi que l'analyse précise des enjeux migrateurs et des protections d'espèces menacées. Ce n'est qu'au terme de ce travail, et s'il aboutit à la conclusion d'un intérêt environnemental avéré, qu'une concertation en vue des aménagements définis comme nécessaires doit être menée avec le propriétaire d'ouvrage hydraulique, mais aussi avec les riverains et usagers impactés par le niveau d'eau de la retenue.
La destruction d'un site (arasement ou dérasement) peut être envisagée, en particulier pour les ouvrages abandonnés. Mais cette solution par nature radicale et non réversible, ne figurant pas comme telle dans les prescriptions du législateur en matière de continuité écologique, doit obéir à des conditions très strictes : bénéfice écologique démontré, absence d'intérêt patrimonial, consentement éclairé du maître d'ouvrage et des riverains, droits des tiers préservés, évaluation de l'équilibre avant / après dans tous les domaines appelant précaution (fragilisation du bâti, crues et inondation, pollution des sédiments de la retenue, espèces invasives, anticipation du changement climatique, etc.). Le non-respect de l'ensemble de ces conditions doit impliquer le choix d'aménagement non destructif.
La continuité écologique vise l'intérêt général (qualité de l'eau et des milieux comme bien commun). Les coûts des travaux en rivière, particulièrement des optimisations écologiques d'ouvrages de moulins, représentent des charges dépassant largement les capacités économiques des particuliers, des exploitants modestes ou des petites collectivités. La législation a exclu que les aménagements de continuité écologique imposent une charge spéciale et exorbitante au maître d'ouvrage sans versement d'indemnités. Le succès de la restauration écologique comme objectif d'intérêt général implique en conséquence la forte mobilisation des financeurs publics (Agence de l'eau, département, région, Europe), qui devront assumer l'essentiel des coûts. Cela signifie que les opérations de restauration de continuité devront être limitées aux aménagements de sites où des bénéfices écologiques tangibles sont démontrés et justifient pleinement les dépenses engagées.
Les ouvrages hydrauliques en rivière se sont développés depuis l'époque romaine, avec une accélération à partir du Moyen Âge. Parmi eux, les moulins ont connu leur plus grande extension aux XVIIIe et XIXe siècles. On compte aujourd'hui selon le Référentiel de l'Onema environ 60.000 seuils, chaussées et barrages de moulins sur les rivières françaises. Le recensement n'étant pas achevé, le chiffre définitif sera plus élevé.
Présents des têtes de bassin jusqu'aux littoraux, les moulins forment le troisième patrimoine bâti de France. Ils ont joué un rôle historique structurant dans le développement des territoires et dans l'implantation des populations au bord des rivières. Les écoulements et les peuplements des cours d'eau ont été modifiés de longue date par leur présence. Il en va de même pour les paysages des vallées et des plaines alluviales.
Les moulins sont nés d'une vocation énergétique et économique : transformer la puissance de l'eau en usage mécanique en vue de produire ou transformer des biens. Ils ont ensuite participé à l'aventure de l'électricité. Une partie minoritaire des moulins conserve aujourd'hui cet usage, parfois sous forme de productions locales (farines, huiles, etc.), le plus souvent sous forme de petites centrales hydro-électriques à fin de consommation familiale ou d'injection sur le réseau. Mais souvent, même sans usage au sens énergétique, industriel ou commercial, les ouvrages hydrauliques nécessaires à la production (barrage, bief, chambre d'eau et coursier de roue) sont entretenus et conservés, préservant ainsi le potentiel d'équipement. L'existence de ces ouvrages et le respect des conditions hydrauliques qu'ils induisent sont des conditions de reconnaissance du droit d'eau et de validité du règlement d'eau des moulins.
Les moulins qui n'ont plus d'usage énergétique peuvent avoir noué d'autres vocations, par exemple éducatives (écomusées, animation patrimoniale) et touristiques (chambres d'hôtes, gites ruraux, restaurants). Il n'est pas rare que l'eau de la retenue et du bief servent des usages locaux : valorisation paysagère des villes, réserve incendie, pompage pour arrosage, irrigation ou abreuvement, zones récréatives (baignades, pêches), etc. Beaucoup de propriétaires qui ont acheté ou ont hérité d'un moulin expriment un attachement à la dimension patrimoniale du bien : le moulin en tant que tel n'est jamais une simple maison au bord de l'eau, mais un édifice défini par sa destination à user de l'eau. Les attributs hydrauliques représentent son identité de moulin, et une part non négligeable de sa valeur foncière.
Enfin, il arrive aussi que des ouvrages en rivière aient été purement et simplement abandonnés, souvent après de multiples démembrements fonciers. Dans ce cas, ils ont perdu leur fonctionnalité (biefs voire retenues comblés) et ils ne sont plus en condition de respecter leurs obligations réglementaires (contrôle du niveau de l'eau).
Les seuils et barrages en lit mineur représentent des obstacles à l'écoulement naturel de l'eau. Ils ont en conséquence plusieurs impacts sur la rivière : changement de la ligne d'eau et du transit sédimentaire, limitation partielle ou totale de la circulation des poissons vers l'amont, évolution thermique local, modification du cycle carbone, azote et phosphore, etc. Certains effets sont positifs sur les milieux, d'autres sont négatifs.
Les effets physiques, chimiques, biologiques et écologiques d'un ouvrage en lit mineur sont généralement proportionnés à sa dimension : modestes pour la petite hydraulique, conséquents pour la grande hydraulique. Ces effets évoluent dans le temps. Certains impacts se cumulent quand le linéaire de la rivière est fragmenté par de nombreux moulins. La recherche scientifique sur les impacts spécifiques de la petite hydraulique (bien moins étudiée que la grande) est encore largement en cours de construction.
Il convient aujourd'hui de concilier la valorisation du patrimoine historique et culturel des moulins, le respect de leurs divers usages locaux, l'exploitation de leur potentiel énergétique et les programmes de restauration écologique des rivières. Ces derniers demandent des améliorations fonctionnelles de certains ouvrages, pour permettre une meilleure circulation des poissons et des sédiments, voire dans les cas les plus ambitieux des restaurations d'habitats.
Plusieurs options sont ouvertes pour diminuer les impacts écologiques négatifs des moulins : si les plus modestes n'appellent pas d'action particulière, d'autres peuvent demander une pleine fonctionnalité et une gestion attentive des vannes, voire la mise en place de dispositifs spécifiques de franchissement pour les poissons migrateurs. Il appartient en premier lieu au gestionnaire d'évaluer les besoins d'aménagement au terme d'une analyse scientifique menée à l'échelle de la rivière en son bassin versant. Cette analyse doit intégrer les paramètres de qualité biologique, physique, morphologique et chimique, la probabilité d'atteindre ou de s'écarter du bon état au sens de la DCE 2000, ainsi que l'analyse précise des enjeux migrateurs et des protections d'espèces menacées. Ce n'est qu'au terme de ce travail, et s'il aboutit à la conclusion d'un intérêt environnemental avéré, qu'une concertation en vue des aménagements définis comme nécessaires doit être menée avec le propriétaire d'ouvrage hydraulique, mais aussi avec les riverains et usagers impactés par le niveau d'eau de la retenue.
La destruction d'un site (arasement ou dérasement) peut être envisagée, en particulier pour les ouvrages abandonnés. Mais cette solution par nature radicale et non réversible, ne figurant pas comme telle dans les prescriptions du législateur en matière de continuité écologique, doit obéir à des conditions très strictes : bénéfice écologique démontré, absence d'intérêt patrimonial, consentement éclairé du maître d'ouvrage et des riverains, droits des tiers préservés, évaluation de l'équilibre avant / après dans tous les domaines appelant précaution (fragilisation du bâti, crues et inondation, pollution des sédiments de la retenue, espèces invasives, anticipation du changement climatique, etc.). Le non-respect de l'ensemble de ces conditions doit impliquer le choix d'aménagement non destructif.
La continuité écologique vise l'intérêt général (qualité de l'eau et des milieux comme bien commun). Les coûts des travaux en rivière, particulièrement des optimisations écologiques d'ouvrages de moulins, représentent des charges dépassant largement les capacités économiques des particuliers, des exploitants modestes ou des petites collectivités. La législation a exclu que les aménagements de continuité écologique imposent une charge spéciale et exorbitante au maître d'ouvrage sans versement d'indemnités. Le succès de la restauration écologique comme objectif d'intérêt général implique en conséquence la forte mobilisation des financeurs publics (Agence de l'eau, département, région, Europe), qui devront assumer l'essentiel des coûts. Cela signifie que les opérations de restauration de continuité devront être limitées aux aménagements de sites où des bénéfices écologiques tangibles sont démontrés et justifient pleinement les dépenses engagées.