Le média des agences de l’eau publie un éloge du castor comme ingénieur des rivières permettant d’atteindre le bon état des eaux et de s’adapter au réchauffement climatique. Problème : ce castor fait exactement ce que les agences de l’eau dénoncent comme le diable depuis vingt ans, à savoir des obstacles à l’écoulement (barrages), des plans d’eau larges et à écoulement lent.
Quelle fut notre surprise de voir Sauvons l’eau!, le média en ligne des agences de l’eau, flatter cette semaine le retour des castors sur les rivières et l’utilisation de ce rongeur aquatique pour restaurer la qualité des cours d'eau.
Rappelons ce qui se passe quand une colonie de castors s’installe sur une rivière
- Des barrages sont construits sur les territoires de chaque castor, formant une succession d’obstacles à l’écoulement
- Ces barrages forment en amont des plans d’eau qui sont semi-lotiques en hiver et lentiques en été
- Ces plans d’eau élargissent le lit naturel de la rivière
- En été, ces plans d’eau tendent évidemment à être plus chauds et à évaporer davantage
- Ces plans d’eau ont un fond souvent limoneux, qui sédimentent davantage, ce qui explique pourquoi ils épurent certains intrants indésirables
- Les plans d’eau rehaussent la nappe et aident parfois à des débordements en lit majeur, ce qui est jugé bon pour la ressource en eau
Or, toutes ces propriétés des barrages et retenues de castors sont partagées avec les barrages et retenues des humains, surtout quand on parle des chausses anciennes de moulins, ayant souvent une dimension du même ordre que les barrages de castor. Au demeurant des chercheurs l’ont admis en comparant les effets fonctionnels (voir Hart el 2002).
Mais voilà, les bureaucraties publiques ont quelques difficultés à concilier le bon sens et la cohérence intellectuelle avec les diktats politiques de leur ministère de tutelle. Dans un cas, ces propriétés de petits barrages et plans d'eau sont réputées excellentes pour la rivière, ses fonctionnalités et la diversité de ses écoulements; dans l’autre cas, elles sont réputées de terribles altérations hydromorphologiques qui nuisent au bon état des eaux.
La conclusion est simple : nous sommes en présence non d’un raisonnement de bonne foi, mais d’un préjugé naturaliste qui va dire blanc ou noir sur le même sujet et pour les mêmes observables selon que l’on est en présence d’un fait «naturel» ou d’un fait «artificiel». Ce qui a particulièrement peu de sens dans le cas du castor qui, comme l’humain, est un ingénieur de milieux créant des artifices (barrages) pour modifier la rivière.
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