Dans un rapport venant de paraître sur la rentabilité de la petite hydro-électricité, la commission de régulation de l'énergie pointe notamment le coût croissant des exigences écologiques de la règlementation française, en particulier le coût de la continuité écologique. Le gouvernement doit acter cette réalité et trouver des solutions pour ne plus opposer transition énergétique et conservation de la biodiversité. Il convient notamment de prioriser les interventions de continuité là où il y a réellement des espèces menacées, au lieu de la doctrine coûteuse et disproportionnée visant à demander par principe une franchissabilité totale des poissons sur chaque ouvrage équipé en énergie. Plus généralement, l'écologie a des coûts: le discours public doit cesser de les dissimuler, mais en faire des objets de débat démocratique en fonction des bénéfices attendus pour la société et pour le vivant. C'est le prix d'une écologie réaliste ne se contentant pas de grands discours et de bons sentiments.
Extrait du rapport de la CRE
"Le renforcement des exigences environnementales semble avoir eu une influence à la hausse sur les coûts d’investissements au cours des dernières années (cf. 3.1.2), bien que cette augmentation ait été en partie compensée par la mise en place de la réfaction tarifaire sur les coûts de raccordement. Le coût des études d’impact et les frais de développement d’un projet hydroélectrique neuf peuvent représenter des montants importants, de l’ordre de 8 % de l’investissement total. Ces dépenses sont d’ailleurs engagées sans la garantie d’un contrat à la clé et constituent donc un frein à l’entrée pour certains producteurs.
Le coût d’une passe à poissons peut quant à lui atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros pour un coût d’investissement total de 2 à 5 M€ pour une centrale d’1 MW. Au-delà du surcoût d’investissement que représente ce dispositif, il affecte également le productible de l’installation en isolant une partie du débit et est susceptible d’augmenter l’assiette de la taxe foncière applicable à la centrale (cf. 3.1.2).
La CRE en tire deux points d’attention, l’un en termes de risque pour les installations en fonctionnement ou en développement, l’autre en termes d’impact de ces contraintes sur les finances publiques.
En termes de risque
L’ajout de nouvelles exigences environnementales à une installation existante représente un risque réglementaire qui implique idéalement d’échelonner les exigences afin qu’elles lui soient imposées à une échéance cohérente avec la prochaine période de soutien dont bénéficierait l’installation. S’agissant des installations en développe- ment, les décisions de l’administration – et notamment le précadrage environnemental dans le cadre de l’appel d’offres – doivent être conçues de sorte à limiter au maximum les risques d’un refus de délivrance de l’autorisation environnementale finale ou de cerner les exigences spécifiques et donc les surcoûts potentiels associés néces- saires à la mise en œuvre du projet.
En termes de coûts pour les finances publiques
Le respect des nouvelles exigences environnementales – qui poursuivent un objectif de protection de la biodiversité auquel la CRE ne peut que souscrire et dont le calibrage ne relève pas de ses compétences – constitue un facteur de hausse du coût du soutien qui affecte les finances publiques. Dès lors, la CRE attire l’attention sur l’importance de donner un maximum de visibilité en matière d’équilibre coût-bénéfice entre les enjeux de protection des milieux naturels et les enjeux de développement de la petite hydroélectricité. La note technique publiée début mai 2019 par le Ministère de la transition écologique et solidaire7, présentant des éléments de méthode et d’organisation pour une meilleure coordination des services à l’échelle nationale et locale sur le sujet de la continuité écologique, s’inscrit dans cette démarche."
Commentaires
Ce rapport de la Commission de régulation de l'énergie rappelle un principe général : la protection de la biodiversité a toujours des coûts. Le décideur public doit les exposer aux citoyens et aux parties prenantes, ne pas mettre en avant les seuls bénéfices tout en omettant les conditions d'obtention de ces bénéfices.
Sur les ouvrages nouveaux, il est logique de prévoir par construction la meilleure circulation possible des organismes aquatiques et des sédiments, avec des dispositifs de type passe à poisson ou rivière de contournement, dont l'efficacité est désormais assez correcte. Les progrès des connaissances amènent à une meilleure intégration écologique de l'hydro-électricité, qui a tout intérêt à accompagner ces progrès. On peut déroger à ce principe dans certains cas justifiés, comme la nécessité de protéger une tête de bassin de la remontée d'espèces exotiques ou invasives. Les barrages sont parfois utilisés à cette fin de régulation et conservation (usage fréquent au Canada en protection des grands lacs, par exemple), mais ce cas est plutôt exceptionnel.
Sur les ouvrages anciens, les constructions en place ne prévoient généralement pas de franchissement permanent à toutes espèces (situation réservée aux crues noyant les ouvrages), ni de vannes adaptées permettant de larges transits sédimentaires de décharge. Toutefois la plupart de ces ouvrages anciens, présents depuis des siècles, ont créé ce que les chercheurs nomment un "état écologique stable alternatif" de la rivière, c'est-à-dire un nouvel équilibre dynamique des débits, sédiments, nutriments, espèces qui intègre la présence des ouvrages. Les dispositifs de franchissement devraient y être prescrits selon des critères plus stricts de présence d'espèces menacées dont on peut démontrer qu'elles ne sont pas adaptées à la fragmentation et que leur population est menacée. Ce ne peut pas être une demande de routine au vu des coûts pour les particuliers et la collectivité. Dans de nombreuses rivières, en particulier à truites, le mauvais usage s'est répandu de demander automatiquement des dispositifs même si les populations piscicoles ne montrent pas de déficit attribuable aux ouvrages. Les pouvoirs publics doivent cesser ces dépenses peu utiles par rapport à des priorités établies.
La production énergétique bas carbone des rivières relève en France de l'intérêt général au même titre que la biodiversité, comme le rappelle la loi énonçant les principes de la gestion équilibrée et durable de l'eau (art L 211-1 code de l'environnement). On ne peut donc opposer transition énergétique et conservation écologique. Si les exigences réglementaires en matière de biodiversité dérogent trop à la rentabilité d'exploitation et entravent la lutte contre le réchauffement climatique, il appartient à la puissance publique de prévoir une large prise en charge du financement des dispositifs prescrits. C'est tout à fait possible dans le budget des agences de l'eau, dont la vocation est la mise en oeuvre des politiques publiques de rivière, notamment des choix collectifs qui induisent des coûts dépassant les capacités raisonnables d'autofinancement des particuliers et exploitants. La modération de la dépense publique sera obtenue en limitant les dispositifs les plus chers (passes à poissons) aux seuls cas de nécessité écologique solidement démontrée et de gains vérifiables.
Source : Commission de régulation de l'énergie, Coûts et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, Rapport, janvier 2020.
Extrait du rapport de la CRE
"Le renforcement des exigences environnementales semble avoir eu une influence à la hausse sur les coûts d’investissements au cours des dernières années (cf. 3.1.2), bien que cette augmentation ait été en partie compensée par la mise en place de la réfaction tarifaire sur les coûts de raccordement. Le coût des études d’impact et les frais de développement d’un projet hydroélectrique neuf peuvent représenter des montants importants, de l’ordre de 8 % de l’investissement total. Ces dépenses sont d’ailleurs engagées sans la garantie d’un contrat à la clé et constituent donc un frein à l’entrée pour certains producteurs.
Le coût d’une passe à poissons peut quant à lui atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros pour un coût d’investissement total de 2 à 5 M€ pour une centrale d’1 MW. Au-delà du surcoût d’investissement que représente ce dispositif, il affecte également le productible de l’installation en isolant une partie du débit et est susceptible d’augmenter l’assiette de la taxe foncière applicable à la centrale (cf. 3.1.2).
La CRE en tire deux points d’attention, l’un en termes de risque pour les installations en fonctionnement ou en développement, l’autre en termes d’impact de ces contraintes sur les finances publiques.
En termes de risque
L’ajout de nouvelles exigences environnementales à une installation existante représente un risque réglementaire qui implique idéalement d’échelonner les exigences afin qu’elles lui soient imposées à une échéance cohérente avec la prochaine période de soutien dont bénéficierait l’installation. S’agissant des installations en développe- ment, les décisions de l’administration – et notamment le précadrage environnemental dans le cadre de l’appel d’offres – doivent être conçues de sorte à limiter au maximum les risques d’un refus de délivrance de l’autorisation environnementale finale ou de cerner les exigences spécifiques et donc les surcoûts potentiels associés néces- saires à la mise en œuvre du projet.
En termes de coûts pour les finances publiques
Le respect des nouvelles exigences environnementales – qui poursuivent un objectif de protection de la biodiversité auquel la CRE ne peut que souscrire et dont le calibrage ne relève pas de ses compétences – constitue un facteur de hausse du coût du soutien qui affecte les finances publiques. Dès lors, la CRE attire l’attention sur l’importance de donner un maximum de visibilité en matière d’équilibre coût-bénéfice entre les enjeux de protection des milieux naturels et les enjeux de développement de la petite hydroélectricité. La note technique publiée début mai 2019 par le Ministère de la transition écologique et solidaire7, présentant des éléments de méthode et d’organisation pour une meilleure coordination des services à l’échelle nationale et locale sur le sujet de la continuité écologique, s’inscrit dans cette démarche."
Commentaires
Ce rapport de la Commission de régulation de l'énergie rappelle un principe général : la protection de la biodiversité a toujours des coûts. Le décideur public doit les exposer aux citoyens et aux parties prenantes, ne pas mettre en avant les seuls bénéfices tout en omettant les conditions d'obtention de ces bénéfices.
Sur les ouvrages nouveaux, il est logique de prévoir par construction la meilleure circulation possible des organismes aquatiques et des sédiments, avec des dispositifs de type passe à poisson ou rivière de contournement, dont l'efficacité est désormais assez correcte. Les progrès des connaissances amènent à une meilleure intégration écologique de l'hydro-électricité, qui a tout intérêt à accompagner ces progrès. On peut déroger à ce principe dans certains cas justifiés, comme la nécessité de protéger une tête de bassin de la remontée d'espèces exotiques ou invasives. Les barrages sont parfois utilisés à cette fin de régulation et conservation (usage fréquent au Canada en protection des grands lacs, par exemple), mais ce cas est plutôt exceptionnel.
Sur les ouvrages anciens, les constructions en place ne prévoient généralement pas de franchissement permanent à toutes espèces (situation réservée aux crues noyant les ouvrages), ni de vannes adaptées permettant de larges transits sédimentaires de décharge. Toutefois la plupart de ces ouvrages anciens, présents depuis des siècles, ont créé ce que les chercheurs nomment un "état écologique stable alternatif" de la rivière, c'est-à-dire un nouvel équilibre dynamique des débits, sédiments, nutriments, espèces qui intègre la présence des ouvrages. Les dispositifs de franchissement devraient y être prescrits selon des critères plus stricts de présence d'espèces menacées dont on peut démontrer qu'elles ne sont pas adaptées à la fragmentation et que leur population est menacée. Ce ne peut pas être une demande de routine au vu des coûts pour les particuliers et la collectivité. Dans de nombreuses rivières, en particulier à truites, le mauvais usage s'est répandu de demander automatiquement des dispositifs même si les populations piscicoles ne montrent pas de déficit attribuable aux ouvrages. Les pouvoirs publics doivent cesser ces dépenses peu utiles par rapport à des priorités établies.
La production énergétique bas carbone des rivières relève en France de l'intérêt général au même titre que la biodiversité, comme le rappelle la loi énonçant les principes de la gestion équilibrée et durable de l'eau (art L 211-1 code de l'environnement). On ne peut donc opposer transition énergétique et conservation écologique. Si les exigences réglementaires en matière de biodiversité dérogent trop à la rentabilité d'exploitation et entravent la lutte contre le réchauffement climatique, il appartient à la puissance publique de prévoir une large prise en charge du financement des dispositifs prescrits. C'est tout à fait possible dans le budget des agences de l'eau, dont la vocation est la mise en oeuvre des politiques publiques de rivière, notamment des choix collectifs qui induisent des coûts dépassant les capacités raisonnables d'autofinancement des particuliers et exploitants. La modération de la dépense publique sera obtenue en limitant les dispositifs les plus chers (passes à poissons) aux seuls cas de nécessité écologique solidement démontrée et de gains vérifiables.
Source : Commission de régulation de l'énergie, Coûts et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, Rapport, janvier 2020.