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Malgré des milliards d'euros dépensés chaque année, pas d'amélioration dans la liste rouge des poissons menacés en France

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Neuf ans après un premier état des lieux, la mise à jour de la Liste rouge des espèces menacées montre une situation toujours préoccupante pour les poissons d’eau douce dans l’Hexagone: sur les 80 espèces du territoire, 15 y apparaissent comme menacées de disparition si les tendances continuent. Le bilan s’aggrave même : 39 % des espèces sont désormais "menacées" ou "quasi menacées" contre 30 % en 2010. Ces observations posent question, à l'heure où la France dépense chaque année plus de 2 milliards € d'argent public pour l'amélioration de l'eau et des milieux. La situation des poissons migrateurs s'est aggravée pour certains d'entre eux, malgré les sommes considérables mobilisées pour la continuité en long. Ce qui devrait conduire à un audit des politiques publiques de l'eau: en écologie comme ailleurs, il convient de comprendre les conditions d'efficacité des dépenses, de réalisme des objectifs et de ciblage des actions. Outre la liste rouge UICN, l'état écologique et chimique au sens de la directive européenne DCE 2000 reste lui aussi dégradé dans plus de la moitié des masses d'eau. 

Précision liminaire : nous avons demandé aux services de l'UICN et du MNHN l'accès à des données de synthèse par espèces et bassins, mais celles-ci ne sont pas disponibles. Nous le regrettons, il est souhaitable que de telles données d'écologie soient plus facilement accessibles et consultables par les citoyens.

Le tableau ci-dessous montre les espèces considérées comme les plus vulnérables (catégorie VU vulnérable, EN en danger, CR en danger critique). On observe que les tendances sont stables ou à la baisse, notamment pour les poissons migrateurs.

(cliquer pour agrandir)

Ce second tableau précise les tendances significatives 2010-2019 en amélioration (un cas) ou en dégradation (3 cas) :

(cliquer pour agrandir)

On observe 2 migrateurs amphihalins dans les dégradations (grande alose, lamproie marine).

Au cours des quinze dernières années, les agences de l'eau ont dépensé de l'ordre de 2 milliards € par an. Environ 10 à 20% de ces dépenses (selon les bassins et les années) sont dédiées à la morphologie des cours d'eau et bassin, notamment la restauration d'habitats. L'insistance sur la morphologie s'est développée à partir du début des années 2000, après adoption de la directive cadre européenne sur l'eau. Le Plan d'action pour la restauration de continuité écologique (PARCE 2009) et le classement des rivières au titre de la continuité écologique (2011-2012) ont notamment entraîné une redirection importante des moyens financiers vers la question de la continuité en long, avec de nombreuses destructions d'ouvrages ou constructions de dispositif de franchissement.

L'hypothèse selon laquelle une perte d'habitats est la meilleure explication de déclin d'une espèce doit conduire à observer la hausse de la population de cette espèce quand l'habitat est restauré ou rendu accessible.

Pour l'instant, l'effort réalisé par les agences de l'eau sur le volet morphologique et notamment la continuité en long ne se traduit pas par de tels résultats, alors que le temps de génération des poissons (annuel ou quelques années pour les migrateurs) aurait pu permettre des évolutions déjà observables sur deux décennies de restauration physique. Plusieurs hypothèses :
  • les données IUCN et MNHN ne sont pas complètes,
  • les choix des agences de l'eau ne sont pas efficaces,
  • le temps de réponse des populations est long, 
  • la restauration / dépollution locale est sans effet majeur tant que le bassin reste dégradé de la source à l'estuaire.
On ne peut pas trancher entre ces hypothèses, notamment par manque de données (parfois par manque de convergence des modèles traitant les données). La recherche scientifique en écologie a déjà de nombreuses fois alerté sur le fait que les restaurations des milieux ont des résultats ambivalents, et qu'elles produisent rarement un retour à l'état antérieur (voir cette synthèse ; voir les références en fin d'article).

Parmi les facteurs autres que la morphologie / l'habitat pouvant expliquer les variations de poissons, on connaît notamment :
  • les pollutions eaux et sédiments, dont eutrophisation,
  • les toxiques (repro-, géno-, neuro-) affectant les organismes,
  • l'excès de prélèvement de l'eau,
  • la surpêche et le braconnage,
  • le changement climatique (températures extrêmes, assecs, crues),
  • le cycle océanique des espèces migratrices (en partie lié au climat),
  • l'apparition d'espèces invasives et/ou concurrentes,
  • le développement d'espèces protégées mais prédatrices (loutre, cormoran etc.),
  • les variations stochastiques (aléatoires).
Hélas, comme nous l'avions fait observer, il existe pour le moment assez peu de données d'entrée sur les variations historiques de long terme (fourchette de variabilité naturelle et forcée des populations de poisson) comme sur le suivi de l'intégralité des impacts (permettant de hiérarchiser ces impacts, éventuellement de confirmer ou infirmer certaines hypothèses).

Aussi devrait-on se garder – comme le font parfois l'IUCN, MHNN et l'AFB dans leur communiqué – d'avancer telle ou telle causalité. En particulier, alors que l'on dépense des centaines de millions € par an pour détruire des ouvrages, construire des passes à poissons, récréer des habitats et frayères sans résultat significatif observable (du point de vue des mesures de la Liste rouge), une certaine prudence s'impose sur des assertions trop généralistes.

Source : UICN-MHN-AFB (2019), La Liste rouge des espèces menacées en France. Poissons d’eau douce de France métropolitaine (pdf)

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