Les parlementaires viennent d'apporter une modification substantielle à l'article L 211-1 du Code de l'environnement, qui définit les principes généraux d'une gestion équilibrée et durable de l'eau. Désormais, cette gestion "ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique" faisant l'objet d'une protection. Une avancée, mais tous les ouvrages ne pourront en bénéficier. Explications sur la portée de ce texte, et lettre-type que les associations peuvent envoyer aux élus locaux, administrations et gestionnaires en charge de la rivière.
On se souvient de l'épisode tragi-comique de l'été 2016 où une disposition favorable aux ouvrages hydrauliques, votée avec la loi Patrimoine en juillet, avait disparu en août avec la loi Biodiversité (voir cet article). Depuis, la FFAM a continué son travail d'information des parlementaires et l'amendement supprimé vient d'être réintroduit à l'occasion du vote de la loi Montagne.
Le texte définitif de cette loi Montagne voté par le Sénat contient une modification importante de l'article L 211-1 Code de l'environnement.
Pour la suite, que faire?
Individuellement, les propriétaires d'ouvrages hydrauliques d'intérêt patrimonial peuvent envisager de les faire protéger par les divers outils existants. En particulier, chaque propriétaire d'un ouvrage ancien doit veiller à ce que le plan local d'urbanisme (communal ou intercommunal) signale les bâtiments et annexes comme site remarquable.
Associativement, les acteurs engagés dans la défense du patrimoine doivent écrire aux préfectures, aux gestionnaires et aux élus pour leur signaler que tout chantier de continuité écologique doit désormais intégrer une enquête patrimoniale et le cas échéant des solutions en conformité à la préservation du patrimoine. Nous produisons ci-dessous un exemple de lettre-type.
Cette avancée législative est une étape importante, mais elle ne concerne probablement qu'une minorité de moulins, étangs, plans d'eau et autres systèmes hydrauliques bénéficiant d'une protection réglementaire au titre du patrimoine. Par ailleurs, ce nouveau texte ne corrige en rien les problèmes observés dans la mise en oeuvre de la continuité écologique :
Lettre circulaire aux correspondants locaux: DDT-M, Onema, Agence de l'eau, syndicats ou parcs, fédérations de pêche, conseil régional, présidents d'intercommunalités et maires. Ci-dessous, un modèle générique que vous pouvez personnaliser.
Madame, Monsieur,
La réforme de continuité écologique, ouverte par la loi sur l'eau 2006, le PARCE 2009 et le classement des rivières 2012-2013, vise à améliorer le franchissement piscicole et le transit sédimentaire au droit de certains ouvrages hydrauliques.
Cette ambition, légitime, a néanmoins donné lieu à certains excès, avec une programmation publique accordant souvent la prime à la destruction pure et simple des ouvrages hydrauliques, au lieu de leur aménagement initialement prévu par la loi.
Ces choix de destruction ont soulevé et soulèvent encore de vives oppositions, non seulement de la part des propriétaires d'ouvrages, mais aussi de celle des riverains qui jouissent des avantages de la rivière aménagée, et de tous les citoyens interloqués de voir la destruction du patrimoine ancien et du paysage familier des rivières désignée comme l'une des priorités des politiques publiques de leur pays.
Conscients de ce problème, qui a donné lieu à plus d'une centaine d'interpellations du Ministère de l'Environnement par les députés et sénateurs ces deux dernières années, les parlementaires viennent de procéder à la révision de l'article L 211-1 Code de l'environnement. Cet article définit la "gestion durable et équilibrée" de l'eau en France, il a donc une portée particulièrement importante.
Un nouvel alinéa énonce ainsi :
« III. – La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme. »
Vous voudrez noter que ce texte de loi indique clairement la nécessité générale de préserver la patrimoine hydraulique. En conséquence, notre association souhaite que cette nouvelle orientation nationale se traduise dans les choix locaux de gestion de rivière, prioritairement bien sûr sur les rivières classées en liste 2 au titre de la continuité écologique.
Nous espérons des services instructeurs de l'administration, des établissements gestionnaires (EPCI, EPAGE, EPTB) et des collectivités ayant la compétence milieux aquatiques des choix de continuité écologique s'orientant désormais vers des solutions respectueuses du patrimoine ancien: bonne gestion des vannes, passes à poissons, rivières de contournement…
Ces options existent déjà, mais elles étaient trop peu appliquées et trop mal financées : elles doivent désormais avoir priorité. Dès cette années 2017, notre association sera particulièrement vigilante dans l'application de ces dispositions nouvelles, qui permettent de concilier patrimoine culturel et patrimoine naturel, au lieu de les opposer comme cela fut parfois le cas.
Nous vous rappelons enfin que la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 a demandé que chaque ouvrage soit "équipé, géré, entretenu" au titre de la continuité en rivière classée, et que la loi de Grenelle de 2009 a demandé que "l'aménagement des ouvrages les plus problématiques" soit "mis à l'étude". De même, la loi a exclu toute charge "exorbitante" sans indemnisation. Ces dispositions souhaitées par les représentants élus de la volonté générale ne constituent en rien un appel à la destruction des seuils et barrages. Le Ministère de l'Environnement a récemment rappelé que "la politique de restauration de la continuité écologique ne vise pas la destruction de moulins" (JO Sénat du 25/08/2016, 3607). Nous attendons que ces paroles deviennent des actes, en particulier que les établissements et services administratifs sous la tutelle de ce Ministère exposent de la manière la plus claire leur souhait de préserver le patrimoine hydraulique.
Illustrations : en haut, seuil et moulin Saint-Jean sur l'Armançon, à Semur-en-Auxois. Détruire les seuils et mettre hors d'eau les moulins soulève une incompréhension totale chez les riverains. Au milieu : la passe à poissons sur le seuil Léger (Cousin, Avallon) montre que l'on peut faire des aménagements de continuité respectant le patrimoine. En bas : la destruction du seuil Nageotte (Cousin, Avallon) à l'été 2016, alors que l'ouvrage est en ZPPAUP. La nouvelle version du L 211-1 CE interdit a priori ce genre d'issue pour le reste de la zone protégée, ce que nous ferons savoir aux administrations, en particulier à l'Agence de l'eau dont le choix centré sur la destruction pour la plupart des ouvrages est de plus en plus illisible et conflictuel.
On se souvient de l'épisode tragi-comique de l'été 2016 où une disposition favorable aux ouvrages hydrauliques, votée avec la loi Patrimoine en juillet, avait disparu en août avec la loi Biodiversité (voir cet article). Depuis, la FFAM a continué son travail d'information des parlementaires et l'amendement supprimé vient d'être réintroduit à l'occasion du vote de la loi Montagne.
Le texte définitif de cette loi Montagne voté par le Sénat contient une modification importante de l'article L 211-1 Code de l'environnement.
« III. – La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme. »Pourquoi cette évolution est-elle notable?
- L'article L 211-1 CE est celui qui fixe la notion de "gestion durable et équilibrée" de l'eau, il est donc important pour la "doctrine" juridique française des rivières;
- le patrimoine est pleinement reconnu comme élément de cette gestion ("la gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique")
- le moulin est cité, avec ses "dépendances" et "ouvrages", ce qui inclut bien sûr biefs, déversoirs, chaussées ou barrages selon les cas;
- les protections citées concernent tout le livre VI du code patrimoine (pas seulement les monuments historiques, mais aussi ZPPAUP, les secteurs sauvegardés, etc.), ainsi que les plans locaux d'urbanisme communaux et intercommunaux (PLU et PLUi).
Pour la suite, que faire?
Individuellement, les propriétaires d'ouvrages hydrauliques d'intérêt patrimonial peuvent envisager de les faire protéger par les divers outils existants. En particulier, chaque propriétaire d'un ouvrage ancien doit veiller à ce que le plan local d'urbanisme (communal ou intercommunal) signale les bâtiments et annexes comme site remarquable.
Associativement, les acteurs engagés dans la défense du patrimoine doivent écrire aux préfectures, aux gestionnaires et aux élus pour leur signaler que tout chantier de continuité écologique doit désormais intégrer une enquête patrimoniale et le cas échéant des solutions en conformité à la préservation du patrimoine. Nous produisons ci-dessous un exemple de lettre-type.
Cette avancée législative est une étape importante, mais elle ne concerne probablement qu'une minorité de moulins, étangs, plans d'eau et autres systèmes hydrauliques bénéficiant d'une protection réglementaire au titre du patrimoine. Par ailleurs, ce nouveau texte ne corrige en rien les problèmes observés dans la mise en oeuvre de la continuité écologique :
- manque de rigueur scientifique dans la définition des classements et des besoins de connectivité,
- coût considérable des travaux en rivière sur les ouvrages et financement défaillant des Agences de l'eau (hors destruction),
- effet négatif de cette réforme pour notre engagement collectif sur les vraies priorités des directives européennes (ne concernant pas des poissons migrateurs au premier chef, mais la lute contre les pollutions, dégradations et surexploitations de la ressource en eau).
Modèle de courrier
Madame, Monsieur,
La réforme de continuité écologique, ouverte par la loi sur l'eau 2006, le PARCE 2009 et le classement des rivières 2012-2013, vise à améliorer le franchissement piscicole et le transit sédimentaire au droit de certains ouvrages hydrauliques.
Cette ambition, légitime, a néanmoins donné lieu à certains excès, avec une programmation publique accordant souvent la prime à la destruction pure et simple des ouvrages hydrauliques, au lieu de leur aménagement initialement prévu par la loi.
Ces choix de destruction ont soulevé et soulèvent encore de vives oppositions, non seulement de la part des propriétaires d'ouvrages, mais aussi de celle des riverains qui jouissent des avantages de la rivière aménagée, et de tous les citoyens interloqués de voir la destruction du patrimoine ancien et du paysage familier des rivières désignée comme l'une des priorités des politiques publiques de leur pays.
Conscients de ce problème, qui a donné lieu à plus d'une centaine d'interpellations du Ministère de l'Environnement par les députés et sénateurs ces deux dernières années, les parlementaires viennent de procéder à la révision de l'article L 211-1 Code de l'environnement. Cet article définit la "gestion durable et équilibrée" de l'eau en France, il a donc une portée particulièrement importante.
Un nouvel alinéa énonce ainsi :
« III. – La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme. »
Vous voudrez noter que ce texte de loi indique clairement la nécessité générale de préserver la patrimoine hydraulique. En conséquence, notre association souhaite que cette nouvelle orientation nationale se traduise dans les choix locaux de gestion de rivière, prioritairement bien sûr sur les rivières classées en liste 2 au titre de la continuité écologique.
Nous espérons des services instructeurs de l'administration, des établissements gestionnaires (EPCI, EPAGE, EPTB) et des collectivités ayant la compétence milieux aquatiques des choix de continuité écologique s'orientant désormais vers des solutions respectueuses du patrimoine ancien: bonne gestion des vannes, passes à poissons, rivières de contournement…
Ces options existent déjà, mais elles étaient trop peu appliquées et trop mal financées : elles doivent désormais avoir priorité. Dès cette années 2017, notre association sera particulièrement vigilante dans l'application de ces dispositions nouvelles, qui permettent de concilier patrimoine culturel et patrimoine naturel, au lieu de les opposer comme cela fut parfois le cas.
Nous vous rappelons enfin que la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 a demandé que chaque ouvrage soit "équipé, géré, entretenu" au titre de la continuité en rivière classée, et que la loi de Grenelle de 2009 a demandé que "l'aménagement des ouvrages les plus problématiques" soit "mis à l'étude". De même, la loi a exclu toute charge "exorbitante" sans indemnisation. Ces dispositions souhaitées par les représentants élus de la volonté générale ne constituent en rien un appel à la destruction des seuils et barrages. Le Ministère de l'Environnement a récemment rappelé que "la politique de restauration de la continuité écologique ne vise pas la destruction de moulins" (JO Sénat du 25/08/2016, 3607). Nous attendons que ces paroles deviennent des actes, en particulier que les établissements et services administratifs sous la tutelle de ce Ministère exposent de la manière la plus claire leur souhait de préserver le patrimoine hydraulique.
Illustrations : en haut, seuil et moulin Saint-Jean sur l'Armançon, à Semur-en-Auxois. Détruire les seuils et mettre hors d'eau les moulins soulève une incompréhension totale chez les riverains. Au milieu : la passe à poissons sur le seuil Léger (Cousin, Avallon) montre que l'on peut faire des aménagements de continuité respectant le patrimoine. En bas : la destruction du seuil Nageotte (Cousin, Avallon) à l'été 2016, alors que l'ouvrage est en ZPPAUP. La nouvelle version du L 211-1 CE interdit a priori ce genre d'issue pour le reste de la zone protégée, ce que nous ferons savoir aux administrations, en particulier à l'Agence de l'eau dont le choix centré sur la destruction pour la plupart des ouvrages est de plus en plus illisible et conflictuel.