Tout le monde le reconnaît: la destruction des ouvrages hydrauliques a des effets négatifs sur le patrimoine historique, le potentiel énergétique bas-carbone et le paysage de plans d'eau apprécié des riverains. On affirme que ces désavantages seraient largement compensés par des gains écologiques. Nous rappelons ici que c'est faux dans le cas de l'Armançon et des ouvrages de Tonnerre (ou de Perrigny). Les mesures de contrôle et les études scientifiques montrent que les ouvrages présents depuis longtemps sur les rivières du bassin ne posent pas de problèmes piscicoles ni sédimentaires. Leurs retenues sont des habitats singuliers, de type profonds lentiques, que l'on détruit au profit de plats courant et radiers déjà présents à l'amont comme à l'aval des sites. Les pollutions de l'Armançon ne sont pas traitées efficacement, ni même mesurées pour certaines d'entre elles malgré nos obligations européennes de le faire. Ces contaminants de diverses natures vont se diffuser plus rapidement dans les milieux aval et vers la mer après élimination des obstacles. Le dogme de la continuité appliqué aux petits ouvrages est donc pour l'essentiel une poudre aux yeux, dilapidant l'argent public et différant certaines mesures de fond pour la qualité de l'eau.
Les ouvrages ne sont pas des obstacles aux migrateurs. La faible hauteur des ouvrages de Tonnerre (0,97 m et 1,65 m au module), la conformation de leur parement, l'existence d'échancrures latérales et la possibilité d'ouvrir les vannes les rendent franchissables aux espèces migratrices (ici anguilles) qui sont la cible première du classement des rivières au titre de la continuité piscicole. Les rhéophiles ayant de bonnes capacités de nage peuvent aussi franchir les seuils en hautes eaux. Les anguilles sont attestées dans les pêches de contrôle à l'amont du bassin et ont toujours été présentes dans les prises des pêches de loisir, au moins jusqu'au barrage de Pont-et-Massène. Les autres espèces correspondant à la biotypologie de la rivière (barbeaux, chabots, lamproies, chevesnes, brochets, vandoises, etc.) sont également présentes dans toutes les pêches de contrôle de l'Onema sur les divers tronçons du bassin.
L'indice de qualité pisciciole est déjà bon ou excellent. L'état piscicole de l'Armançon médiane, mesurée par l'Indice Poisson Rivière (IPR) pour la directive cadre européenne sur l'eau (DCE), est en classe "bonne" ou "excellente" dans les relevés de 2003, 2008 et 2012. Cet indice tend à s'améliorer graduellement depuis quinze ans. Il n'y aucune priorité à améliorer ce compartiment de qualité par des opérations destructrices d'ouvrages (dont l'un des buts affichés est de pallier une éventuelle dégradation des assemblages de poissons).
La population de poisson de l'Armançon est stable depuis plusieurs dizaines de générations. Les travaux des chercheurs (Beslagic S et al (2013a), CHIPS: a database of historic fish distribution in the Seine River basin (France), Cybium, 37, 1-2, 75-93) ont montré que "la situation des peuplements [de poissons] ne semble guère avoir évolué sur l’Armançon (un affluent de l’Yonne) entre la fin du XIXe siècle et aujourd’hui", de sorte que l'hypothèse d'un effet négatif et cumulatif dans le temps des ouvrages sur les poissons paraît infirmé par ces données de recherche. Le temps de reproduction d'une nouvelle génération de poisson est de quelques années, donc une pression sélective forte serait observable assez rapidement.
L'intérêt sédimentaire et morphologique est négligeable. Le rapport diagnostic détaillé Malavoi 2006-2007 avait déjà montré que le bassin versant de l'Armançon présente une dynamique sédimentaire préservée, malgré les petits ouvrages qui émaillent le lit de ses rivières. Ces ouvrages n'empêchent pas le transport solide lors des crues morphogènes. Le rapport SEGI 2015 a confirmé ce point en montrant que la granulométrie grossière est présente à l'amont comme à l'aval des ouvrages ("les atterrissements à l’aval des déversoirs sont constitués de cailloux / graviers qui viennent se déposer dans les fosses en aval des chutes"). En raison des usages des berges en contexte urbain, l'Armançon tonnerroise ne pourra pas retrouver d'espace de divagation latérale au droit des ouvrages (ce qui est souvent la mesure présentant le plus d'intérêt écologique pour les écotones du lit majeur inondable).
Un habitat singulier est détruit. La retenue des ouvrages présente un faciès de type "profond lentique", au lieu d'un type "plats courants - radiers" formant l'écoulement "naturel" (non contraint) de l'Armançon en son cours médian. En faisant disparaître les retenues, on fait donc disparaître un faciès singulier qui, bien que d'origine artificielle, présente des habitats particuliers que l'on ne trouve pas ailleurs sur la rivière. La morphodiversité est donc objectivement réduite à échelle du tronçon. Un habitat lentique et profond avec dépôt sédimentaire hors période de crue n'est pas un habitat "dégradé" en soi. Il sera accueillant à un certain type d'espèces (davantage thermophiles et limnophiles), il augmente toutes choses égales par ailleurs la productivité primaire à la base de la chaîne trophique, il peut servir de zone refuge à certaines conditions (comme des étiages sévères).
La biodiversité n'est pas évaluée. Les poissons, souvent cités dans les mesures de continuité écologique, ne représentent que 2% des espèces d'eaux douces. Le syndicat de l'Armançon (comme la plupart des gestionnaires) refuse de procéder à un inventaire complet de biodiversité des hydrosystèmes (amont-retenue-aval), en incluant toutes les espèces faune-flore, cela à différentes périodes de l'année. De même, nous ne disposons d'aucune comparaison entre un tronçon à écoulement libre et un tronçon à écoulement fragmenté, à conditions équivalentes d'usages des sols du bassin versant. Seul ce genre de campagne permettrait de mesurer si la présence d'ouvrages et de retenues a un effet négatif, positif ou nul sur la richesse spécifique totale du tronçon. La littérature scientifique en écologie montre que la réponse n'est pas prédictible et que des analyses au cas par cas sont nécessaires (par exemple Mbaka et Mwaniki 2015 sur les invertébrés).
Aucun effet (sinon négatif) sur la pollution de l'eau par les pesticides. Les relevés sur l'Armançon médiane montrent la présence d'au moins 10 insecticides, fongicides ou herbicides (ou de leurs métabolites) dans les eaux de l'Armançon : chlortoluron, naphtalène, métazachlore, quinmerac, propyzamide, isoproturon, éthyleneurée, deltaméthrine, atrazine déséthyl, AMPA. Les quantités sont chaque fois en dessous des normes de qualité environnementale, mais l'effet cocktail sur le vivant n'est pas évalué. Par ailleurs, ces mesures sont conservatrices. La Directive européenne de 2013 a ajouté 12 nouvelles substances prioritaires à l'annexe 10 de la DCE 2000, élevé les normes de qualité environnementale pour 7 substances déjà suivies et posé le principe d'une liste de vigilance sur 10 polluants émergents. Or, la France n'applique pas ces mesures (elle vient de recevoir une mise en demeure de l'Union européenne). Une publication scientifique de chercheurs français (Gaillard et al 2016) a montré que les retenues peuvent épurer les pesticides et a suggéré une analyse systématique du phénomène avant d'engager les mesures de continuité écologique. Plus largement, il existe une importante contamination des eaux courantes par les micropolluants (plus de 400 molécules circulant selon les campagnes nationales 2011 et 2014 CGDD, dont très peu sont analysées en routine sur l'Armançon comme ailleurs).
Les pollutions diffuses vont se diffuser davantage. La masse d'eau FR HR65, l'Armançon du confluent du ruisseau de Baon (exclu) au confluent de l'Armance (exclu), est aujourd'hui en état chimique dégradé par les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques). La priorité dictée par directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) est de trouver une solution à ce facteur dégradant. Par ailleurs, situées en contexte urbain, les retenues reçoivent les effluents et déchets flottants – les manifestants ont retiré des brassées de détritus plastiques de la zone du chantier et observé des pollutions de berge. Eliminer les retenues des ouvrages hydrauliques ne fait que diffuser plus rapidement ces pollutions dans les milieux (vers l'aval, les estuaires, les océans en dernier ressort) et rendre plus complexe leur traitement par la collectivité. Une abondante littérature scientifique montre par ailleurs que le ralentissement de l'écoulement et l'élargissement du lit provoqués par le retenues ont des effets plutôt positifs sur l'épuration locale de certains polluants. Ces enjeux écotoxicologiques doivent être vérifiés et mesurés, et non pas ignorés ou niés par une attitude indifférente aux faits et aux preuves.
Conclusion. Il existe des rivières où des populations de poissons migrateurs sont massivement bloquées, d'autres où le transit sédimentaire est profondément altéré. Il existe aussi des rivières ayant connu très peu d'impacts anthropiques dans l'histoire, dont la conservation présente un enjeu manifeste pour la biodiversité. Ces cas de figure légitiment des mesures de continuité longitudinale sur les obstacles les plus impactants (si le coût est raisonnable pour la collectivité) ou des mesures de préservation de biotopes d'intérêt avéré. Mais ce n'est pas le cas sur l'Armançon, en particulier pour les très modestes chaussées et seuils de moulin. Nous refusons l'application dogmatique et mécanique de la réforme de continuité, qui dépense l'argent public pour des mesures inefficaces, voire défavorables à l'écologie des milieux aquatiques.
Les ouvrages ne sont pas des obstacles aux migrateurs. La faible hauteur des ouvrages de Tonnerre (0,97 m et 1,65 m au module), la conformation de leur parement, l'existence d'échancrures latérales et la possibilité d'ouvrir les vannes les rendent franchissables aux espèces migratrices (ici anguilles) qui sont la cible première du classement des rivières au titre de la continuité piscicole. Les rhéophiles ayant de bonnes capacités de nage peuvent aussi franchir les seuils en hautes eaux. Les anguilles sont attestées dans les pêches de contrôle à l'amont du bassin et ont toujours été présentes dans les prises des pêches de loisir, au moins jusqu'au barrage de Pont-et-Massène. Les autres espèces correspondant à la biotypologie de la rivière (barbeaux, chabots, lamproies, chevesnes, brochets, vandoises, etc.) sont également présentes dans toutes les pêches de contrôle de l'Onema sur les divers tronçons du bassin.
L'indice de qualité pisciciole est déjà bon ou excellent. L'état piscicole de l'Armançon médiane, mesurée par l'Indice Poisson Rivière (IPR) pour la directive cadre européenne sur l'eau (DCE), est en classe "bonne" ou "excellente" dans les relevés de 2003, 2008 et 2012. Cet indice tend à s'améliorer graduellement depuis quinze ans. Il n'y aucune priorité à améliorer ce compartiment de qualité par des opérations destructrices d'ouvrages (dont l'un des buts affichés est de pallier une éventuelle dégradation des assemblages de poissons).
La population de poisson de l'Armançon est stable depuis plusieurs dizaines de générations. Les travaux des chercheurs (Beslagic S et al (2013a), CHIPS: a database of historic fish distribution in the Seine River basin (France), Cybium, 37, 1-2, 75-93) ont montré que "la situation des peuplements [de poissons] ne semble guère avoir évolué sur l’Armançon (un affluent de l’Yonne) entre la fin du XIXe siècle et aujourd’hui", de sorte que l'hypothèse d'un effet négatif et cumulatif dans le temps des ouvrages sur les poissons paraît infirmé par ces données de recherche. Le temps de reproduction d'une nouvelle génération de poisson est de quelques années, donc une pression sélective forte serait observable assez rapidement.
L'intérêt sédimentaire et morphologique est négligeable. Le rapport diagnostic détaillé Malavoi 2006-2007 avait déjà montré que le bassin versant de l'Armançon présente une dynamique sédimentaire préservée, malgré les petits ouvrages qui émaillent le lit de ses rivières. Ces ouvrages n'empêchent pas le transport solide lors des crues morphogènes. Le rapport SEGI 2015 a confirmé ce point en montrant que la granulométrie grossière est présente à l'amont comme à l'aval des ouvrages ("les atterrissements à l’aval des déversoirs sont constitués de cailloux / graviers qui viennent se déposer dans les fosses en aval des chutes"). En raison des usages des berges en contexte urbain, l'Armançon tonnerroise ne pourra pas retrouver d'espace de divagation latérale au droit des ouvrages (ce qui est souvent la mesure présentant le plus d'intérêt écologique pour les écotones du lit majeur inondable).
Un habitat singulier est détruit. La retenue des ouvrages présente un faciès de type "profond lentique", au lieu d'un type "plats courants - radiers" formant l'écoulement "naturel" (non contraint) de l'Armançon en son cours médian. En faisant disparaître les retenues, on fait donc disparaître un faciès singulier qui, bien que d'origine artificielle, présente des habitats particuliers que l'on ne trouve pas ailleurs sur la rivière. La morphodiversité est donc objectivement réduite à échelle du tronçon. Un habitat lentique et profond avec dépôt sédimentaire hors période de crue n'est pas un habitat "dégradé" en soi. Il sera accueillant à un certain type d'espèces (davantage thermophiles et limnophiles), il augmente toutes choses égales par ailleurs la productivité primaire à la base de la chaîne trophique, il peut servir de zone refuge à certaines conditions (comme des étiages sévères).
La biodiversité n'est pas évaluée. Les poissons, souvent cités dans les mesures de continuité écologique, ne représentent que 2% des espèces d'eaux douces. Le syndicat de l'Armançon (comme la plupart des gestionnaires) refuse de procéder à un inventaire complet de biodiversité des hydrosystèmes (amont-retenue-aval), en incluant toutes les espèces faune-flore, cela à différentes périodes de l'année. De même, nous ne disposons d'aucune comparaison entre un tronçon à écoulement libre et un tronçon à écoulement fragmenté, à conditions équivalentes d'usages des sols du bassin versant. Seul ce genre de campagne permettrait de mesurer si la présence d'ouvrages et de retenues a un effet négatif, positif ou nul sur la richesse spécifique totale du tronçon. La littérature scientifique en écologie montre que la réponse n'est pas prédictible et que des analyses au cas par cas sont nécessaires (par exemple Mbaka et Mwaniki 2015 sur les invertébrés).
Aucun effet (sinon négatif) sur la pollution de l'eau par les pesticides. Les relevés sur l'Armançon médiane montrent la présence d'au moins 10 insecticides, fongicides ou herbicides (ou de leurs métabolites) dans les eaux de l'Armançon : chlortoluron, naphtalène, métazachlore, quinmerac, propyzamide, isoproturon, éthyleneurée, deltaméthrine, atrazine déséthyl, AMPA. Les quantités sont chaque fois en dessous des normes de qualité environnementale, mais l'effet cocktail sur le vivant n'est pas évalué. Par ailleurs, ces mesures sont conservatrices. La Directive européenne de 2013 a ajouté 12 nouvelles substances prioritaires à l'annexe 10 de la DCE 2000, élevé les normes de qualité environnementale pour 7 substances déjà suivies et posé le principe d'une liste de vigilance sur 10 polluants émergents. Or, la France n'applique pas ces mesures (elle vient de recevoir une mise en demeure de l'Union européenne). Une publication scientifique de chercheurs français (Gaillard et al 2016) a montré que les retenues peuvent épurer les pesticides et a suggéré une analyse systématique du phénomène avant d'engager les mesures de continuité écologique. Plus largement, il existe une importante contamination des eaux courantes par les micropolluants (plus de 400 molécules circulant selon les campagnes nationales 2011 et 2014 CGDD, dont très peu sont analysées en routine sur l'Armançon comme ailleurs).
Les pollutions diffuses vont se diffuser davantage. La masse d'eau FR HR65, l'Armançon du confluent du ruisseau de Baon (exclu) au confluent de l'Armance (exclu), est aujourd'hui en état chimique dégradé par les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques). La priorité dictée par directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) est de trouver une solution à ce facteur dégradant. Par ailleurs, situées en contexte urbain, les retenues reçoivent les effluents et déchets flottants – les manifestants ont retiré des brassées de détritus plastiques de la zone du chantier et observé des pollutions de berge. Eliminer les retenues des ouvrages hydrauliques ne fait que diffuser plus rapidement ces pollutions dans les milieux (vers l'aval, les estuaires, les océans en dernier ressort) et rendre plus complexe leur traitement par la collectivité. Une abondante littérature scientifique montre par ailleurs que le ralentissement de l'écoulement et l'élargissement du lit provoqués par le retenues ont des effets plutôt positifs sur l'épuration locale de certains polluants. Ces enjeux écotoxicologiques doivent être vérifiés et mesurés, et non pas ignorés ou niés par une attitude indifférente aux faits et aux preuves.
Conclusion. Il existe des rivières où des populations de poissons migrateurs sont massivement bloquées, d'autres où le transit sédimentaire est profondément altéré. Il existe aussi des rivières ayant connu très peu d'impacts anthropiques dans l'histoire, dont la conservation présente un enjeu manifeste pour la biodiversité. Ces cas de figure légitiment des mesures de continuité longitudinale sur les obstacles les plus impactants (si le coût est raisonnable pour la collectivité) ou des mesures de préservation de biotopes d'intérêt avéré. Mais ce n'est pas le cas sur l'Armançon, en particulier pour les très modestes chaussées et seuils de moulin. Nous refusons l'application dogmatique et mécanique de la réforme de continuité, qui dépense l'argent public pour des mesures inefficaces, voire défavorables à l'écologie des milieux aquatiques.