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Aux habitants de Satillieu: tenez bon!

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C'est une première en France: des riverains se mobilisent et occupent physiquement un plan d'eau pour empêcher son chantier de destruction au nom de la continuité écologique. Cela se passe dans le village de Satillieu (Ardèche) à la confluence du ruisseau du Malpertuis et de la rivière Ay. Par courrier du 9 décembre 2015, Ségolène Royal a pourtant demandé aux Préfets de faire cesser les effacements problématiques d'ouvrage en attendant le rapport du CGEDD. Va-t-on continuer à sacrifier ainsi le cadre de vie des gens pour satisfaire des diktats dont on ne peut même pas garantir l'effet sur les milieux ou pour faire plaisir à une poignée d'intégristes? Cela fait plusieurs années que nous mettons en garde sur cette question: nous ne pouvons plus (du tout) supporter le dogmatisme, le chantage et le mépris à l'oeuvre dans la réforme de continuité écologique. Des solutions alternatives à la destruction existent: c'est elles qu'il faut mettre en oeuvre. Les citoyens de Satillieu montrent l'exemple, leur combat est le nôtre.



A Satillieu, au lieu-dit Grangeon, une piscine "naturelle" gratuite a été construite en 1971, sous la forme d'un plan d'eau dans le lit de la rivière. Dans ce village, le Malpertuis rejoint l'Ay (qui signifie "eau" en langue d'oc), un affluent du Rhône situé en Nord Ardèche. Cette rivière est modeste, longue de 32 km. Elle naît à plus de 1000 m d'altitude dans les Monts du nord du Vivarais et rejoint le Rhône à l'altitude 123 m. Sa pente est donc forte (2,79% en moyenne), ses crues sont brutales, ses étiages sévères avec des assecs fréquents. Sur un dénivelé total de 900 m, les quelques dizaines de mètres du plan d'eau de Grangeon n'ont évidemment guère d'influence pour l'ensemble de l'hydrosystème. Ils ont en revanche beaucoup d'importance pour les habitants.

"Le plan d'eau c'est ma vie"
Dans un reportage pour France Bleue - Radio France, Charlotte Coutard expose l'avis des habitants. "Le plan d'eau de Satillieu, c'est ma vie, c'est magique", dit Germaine, riveraine. "Certains de mes clients se baignent dans le plan d'eau, c'est un atout touristique pour le village", explique Jean, propriétaire de l'hôtel. "Quand les gens viennent se baigner et pique niquer, ils vont acheter leur pain, leur jambon, leur fromage. Ça fait partie de toute la dynamique du village", affirme Franck, éleveur de chèvres.

Mais voilà : la vie et l'avis des riverains, cela ne compte plus en France à l'âge de la continuité écologique. La seule chose qui compte désormais, c'est que pas un mètre carré de la rivière n'échappe à la truite, au barbeau ou autres espèces auxquelles il convient de sacrifier les usages humains de l'eau. En l'occurrence, la destruction du plan d'eau a été planifiée par le syndicat en charge du bassin. On l'observe en Ardèche comme chez nous et partout en France: quand ils mettent en oeuvre la continuité écologique ou autres mesures de restauration physique de la rivière, certains syndicats ne sont manifestement plus au service des citoyens et communes qui les financent. Ils obéissent aux injonctions venues d'ailleurs. Ou à des postures locales maximalistes, inspirées par une idéologie de la "renaturation" ne répondant pas aux obligations légales et réglementaires, mais à des convictions subjectives des acteurs.

Le Contrat de rivière Ay-Ozon programme la "suppression des seuils", ce qu'aucune loi française ni européenne n'exige
Le syndicat Ay-Ozon a signé un  Contrat de rivière 2012-2016, avec comme partenaire financier l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, la Région et le Département. Chacun sait qu'un partenariat avec une Agence de l'eau ne va pas sans contrepartie: on reçoit une aide financière à condition de souscrire de façon "ambitieuse" aux exigences réglementaires, en particulier depuis 2012 à la mode de cette fameuse continuité écologique. Le Contrat de rivière (téléchargeable ici) entend ainsi "supprimer les ouvrages bloquant la circulation piscicole" et "supprimer ou aménager les ouvrages bloquant le transit sédimentaire", avec comme mesure préconisée : "suppression et arasement de seuils". Un scandale quand on sait que la loi française a demandé que chaque ouvrage soit "équipé, entretenu, géré" pour la continuité écologique et non pas détruit, arasé ou dérasé comme y poussent aujourd'hui les autorités et gestionnaires. Cela sur les seules rivières classées en liste 2 au titre de la continuité écologique, ce que le Malpertuis, le Nant ou l'Ay ne sont pas au regard des documents officiels. D'où au juste le syndicat et ses partenaires tirent-ils la nécessité et puisent-ils la légitimité d'imposer des mesures de continuité écologique, plus encore d'engager la destruction de sites?

Jamais l'Union européenne n'a demandé la destruction des ouvrages, jamais le Parlement français n'a voté une loi de continuité écologique avec cette injonction de détruire: l'administration et les syndicats se permettent aujourd'hui de passer outre l'esprit et la lettre des textes votés par des représentants élus en les interprétant selon leur bon-vouloir et en utilisant tous les moyens de pression pour faire disparaître le patrimoine hydraulique bâti et ses usages. Certains pêcheurs (pas tous heureusement) se frottent les mains, certains militants écologistes (pas tous heureusement) à tendance intégriste aussi, mais voilà à peu près les seuls soutiens fort minoritaires de la destruction des sites dans la société civile. Les autres, tous les autres, n'auront plus que des cartes postales pour se souvenir des lieux et des paysages auxquels ils sont attachés.

Des alternatives sont possibles : l'argent public n'a pas à financer la destruction du cadre de vie des riverains
Pourtant, le Contrat de rivière vantait dès la page 4 la piscine de Satillieu comme "un site de baignade officiel", représentant un des usages de l'eau sur le bassin, et appelait à préserver "un patrimoine naturel, paysager et historique". Une baignade en plein air, face aux montagnes, ce n'est pas un patrimoine mais un "obstacle à l'écoulement" pour les gestionnaires et les lobbies de l'effacement des ouvrages hydrauliques. Croit-on sérieusement que le transit sédimentaire est bloqué par ce plan d'eau et que le Rhône est gravement privé de la charge solide emplissant la piscine? Pense-t-on vraiment que la truite ou le barbeau ne peuvent survivre à l'amont et à l'aval du site et que ces espèces ont un besoin vital de le franchir? Où sont les mesures scientifiques qui démontreraient ces très étranges assertions? Car enfin, la continuité écologique ne consiste pas à appuyer sur des boutons pour dépenser stupidement l'argent de Français, mais à améliorer concrètement des milieux en fonction de besoins démontrables et d'objectifs vérifiables.

Le maire de la commune Pierre Giraud, qui a aménagé et consolidé jadis le site, affirme signer la mort dans l'âme. L'équation est simple : le chantier d'effacement coûte 110 k€ financé à 80% par l'Agence de l'eau (donc l'argent public), la Commune dépend de ses financeurs et a des contraintes économiques. D'autres solutions n'ont pas été retenues.

Ces alternatives sont-elles impossibles au plan technique? Bien sûr que non. Il est toujours possible de créer une rivière de contournement, de poser a minima une buse de franchissement, de mettre en place des organes mobiles que l'on peut ouvrir en période défavorable à la baignade et favorable à la migration des truites. Il est surtout possible de faire primer un usage social sur un intérêt halieutique, d'autant que la multitude de rivières et ruisseaux des bassins versants de cette rive droite du Rhône ne manque pas vraiment d'habitats pour les espèces concernées. Rappelons que l'administration française n'a pas hésité à tronçonner le classement des cours d'eau pour éviter l'obligation d'aménagement de certains ouvrages publics, alors ne prétendons pas que les injonctions administratives ou syndicales sur la continuité sont intouchables et immuables. S'acharner sur les sites modestes en épargnant les gros barrages, prendre les gens pour des idiots en prétendant que tout cela est raisonnable, indispensable et équitable, c'est le meilleur moyen de rendre définitivement odieuse la mise en oeuvre de la continuité écologique.

Enfin, le motif d'aménagement de la rivière n'est pas clair du tout en raison de l'absence de classement au titre du L 214-17 CE (cf. ci-dessus). Il est dit dans les médias que "selon les nouvelles directives européennes sur l’eau et au nom de la restauration de la continuité écologique du Malpertuis, ce plan d’eau ne peut plus exister en l'état": or, rien de tel n'est démontré sur les cours d'eau de Satillieu. Il serait souhaitable que les élus et gestionnaires du territoire ne se retranchent pas derrière des obligations inexistantes et assument, si tel était le cas, leur volonté de détruire le plan d'eau sans injonction particulière de le faire.

Les habitants occupent le site: le Préfet doit suspendre le chantier
Le plan d'eau a déjà été vidé, et sa destruction devait commencer. Depuis mardi dernier, les habitants ont décidé d'occuper le site pour empêcher sa disparition. Le sous-préfet est venu les voir, mais s'est contenté de déclarer que la décision de la mairie est conforme à la loi.

C'est sans doute exact, mais la position de la Préfecture de l'Ardèche n'est pas forcément conforme à l'instruction reçue de Ségolène Royal le 9 décembre 2015. Le message de la Ministre est clair dans ses intentions : "en complément de la première mission menée par le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) en 2012, j’ai demandé à nouveau à ce conseil de faire un état des lieux précis et une analyse de l’ensemble des blocages et des sites conflictuels, liés en particulier à des moulins, afin de faire des propositions pour faciliter le consensus autour de la mise en conformité des seuils et barrages en rivière (…) Dans l’immédiat, sans attendre les résultats de cette mission, je vous demande de ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas".

La situation de Satillieu est sans conteste un "site conflictuel" suscitant "difficulté" et "incompréhension", puisque les habitants en sont réduits à occuper physiquement un lieu de vie pour le défendre. Nous demandons donc à M. le Préfet de l'Ardèche de suspendre le chantier d'effacement du plan d'eau de Grangeon et à l'Agence de l'eau ainsi qu'au Conseil régional et au Conseil départemental de financer d'autres solutions que la destruction.

Exprimez-vous
Face à ces dérives, il ne faut plus se taire. Pour soutenir Satillieu, signez la pétition en ligne. Demandez au syndicat Ay-Ozon de revenir sur son projet et d'étudier des alternatives. Rappelez à la Préfecture de l'Ardèche les attentes de la Ministre de l'environnement. Exposez à l'Agence de l'eau RMC que vous refusez de dilapider l'argent collecté sur vos taxes dans ces chantiers aberrants. Ecrivez aux élus (députés, sénateurs) pour qu'ils saisissent la Ministre de l'environnement du problème persistant des destructions d'ouvrages. Et bien sûr, si ce n'est déjà le cas, signez et faites signer l'appel au moratoire sur la continuité écologique (signature réservée aux élus, institutions et acteurs de la société civile, déjà près de 2000 à exiger le respect du patrimoine, des paysages et des usages dans la restauration des rivières).

Illustration : nous remercions Charlotte Coutard (Radio France, France Bleue) de nous avoir autorisé à reproduire une prise de vue de son reportage (en haut, tous droits réservés). Au milieu : photos du site Facebook des amis de la baignade. En bas : capture d'un article du Dauphiné Libéré. Le plan d'eau de Satillieu va-t-il devenir la "nuit debout" la plus originale de France? On leur souhaite!

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