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Armançon aval: état chimique et écologique de la masse d'eau

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Concernant le chantier d'effacement de deux seuils prévu à Tonnerre sous la houlette de la Commune et du Sirtava, nous avons déjà exposé les motifs de refuser le projet en l'état lors de l'enquête publique, souligné la qualité piscicole excellente du tronçon et rappelé son peuplement historique assez stable de poissons. Dans ce nouvel article, nous examinons les données disponibles de qualité écologique et chimique de l'eau. Elles montrent que le seul enjeu des 5 dernières années en physico-chimie a été la présence excessive de nitrates trois années de suite (2010-2012), et que l'état chimique reste dégradé aux HAP, avec par ailleurs une absence de mise à disposition des relevés détaillés sur les pesticides. Rien de tout cela ne suggère qu'il est urgent ou prioritaire d'effacer deux ouvrages modestes parmi des dizaine d'autres – et encore moins d'engager des dépenses pharaoniques pour les aménager tous !  On mesure à travers ce cas particulier l'imperfection du classement massif des rivières de 2012-2013 et l'urgente nécessité d'une révision substantielle de la politique de continuité écologique 



Nous avions exposé dans un précédent article comment se mesure la qualité de l'eau pour la directive cadre européenne (DCE 2000), en focalisant sur l'indice poisson rivière (IPR), qui analyse les peuplements piscicoles. La masse d'eau qui nous intéresse est l'Armançon aval, dont la station de surveillance est à Tronchoy.

Concernant l'état écologique (données biologiques et physico-chimiques), on peut trouver les relevés détaillés de Seine-Normandie à cette adresse. L'analyse des mesures 2010-2014 sur la station de contrôle de Tronchoy ne montre que deux altérations sur l'ensemble des paramètres : la saturation en oxygène sur la seule année 2013, les nitrates NO3- de 2010 à 2012 (mais niveaux corrects en 2013 et 2014). Tous les autres paramètres de l'état écologique (données biologiques, données physico-chimiques, substances prioritaires) sont bons (sur ce lien le fichier xls de synthèse).

Au regard de la DCE 2000, en dehors de la vigilance sur les contaminations aux nitrates en raison de trois années en état moyen, il n'y a pas lieu d'intervenir sur ce tronçon pour son état écologique. Rappelons que la suppression de seuil n'est pas favorable au bilan nitrates des cours d'eau, car les eaux plus lentes de retenues et leur activité microbienne contribuent à la dénitrification, donc à l'épuration de la rivière (voir cette synthèse). Avant d'engager des destructions, il conviendrait de s'assurer qu'elles ne risquent pas d'aggraver les bilans sur ce contaminant.

Un point à noter au passage: l'application Qualité Rivière ne reproduit pas les résultats que l'on trouve sur les répertoires de l'Agence de l'eau (lien ci-dessus), lesquels ne sont pas toujours convergents avec le fichier du rapportage à l'Union européenne. Il est particulièrement pénible pour les citoyens et les associations qu'il n'existe pas au niveau national une base de données certifiées et homogénéisée, facile d'accès tout en étant complète, avec sur chaque masse d'eau l'intégralité des résultats, la liste complète des substances identifiées, la précision sur les mesures non réalisées ou simplement estimées par modèle. En l'état de dispersion des informations, nous ne sommes pas capables d'évaluer la qualité du suivi sur une masse d'eau.

Concernant la pollution chimique, les données publiques manquent de transparence. L'Agence de l'eau avance un bon état chimique hors HAP, sans indiquer de données détaillées. Mais on peut trouver en ligne des mesures DREAL (année 2010) sur l'Armançon à Tronchoy montrant des doses excessives d'isoproturon et de chlortoluron, ainsi que des substances aujourd'hui interdites (dinoterbe, atrazine déséthyl). Pourquoi les relevés de ces substances (pesticides) ne sont-ils pas intégralement publiés (ou alors perdus au fond de répertoires inaccessibles aux citoyens)? Qu'en est-il des relevés récents? Combien de pesticides différents (effet cocktail) sont-ils trouvés, même en dessous des normes jugées admissibles pour les milieux?

La pollution aux HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) concerne 92% des eaux du bassin Seine-Normandie, et appelle des mesures de fond pour collecter les eaux de ruissellement des routes et limiter l'usage des carburants fossiles. Autant d'évolution qui sont lentes et coûteuses à mettre en action, donc qui demanderaient des efforts constants de la part des gestionnaires (au lieu de l'actuel fatalisme consistant à considérer la pollution aux HAP comme trop diffuse et trop massive pour être combattue).

Dernier point : les analyses chimiques de l'eau pour la DCE 2000 sont loin d'être complètes. L'Union européenne va élargir sous peu (2018) la liste des substances chimiques à contrôler. Mais même avec cette extension à quelques dizaines de nouveaux contaminants, on ne sera pas vraiment capable de mesurer et de comprendre l'effet des milliers de molécules de synthèse circulant dans nos eaux, qu'il s'agisse des résidus médicamenteux et des perturbateurs endocriniens (déjà connus pour affecter la reproduction de la faune piscicole et non surveillés en routine), des microplastiques et de tant d'autres qui ne sont pas aujourd'hui suivis ni traités avant rejets en rivière. Un assainissement durable demanderait une mise aux normes des stations d'épuration, généralement repoussée en raison de ses coûts conséquents.

En conclusion
Les budgets des Agences de l'eau sont loin de couvrir tous les besoins des collectivités pour assurer la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, la prévention des inondations et la protection des milieux aquatiques. C'est d'autant plus vrai que l'Etat ponctionne désormais le budget de ces Agences pour réduire son déficit public, en rupture avec le principe historique "l'eau paie l'eau" (c'est-à-dire les taxes propres à l'eau financent les travaux). Il faut donc choisir les mesures qui paraissent les plus essentielles pour le bénéfice qu'elles apportent à la rivière et aux riverains. Il n'est pas acceptable pour notre association que l'Agence de l'eau Seine-Normandie et les syndicats de rivières qu'elle abonde continuent de choisir des dépenses futiles, plus idéologiques que scientifiques, comme des effacements de seuils sans bénéfice garanti pour les milieux, sans assurance sur la stabilité à long terme des berges et du bâti dans le nouvel écoulement ainsi produit, avec par ailleurs une disparition du patrimoine bâti et du potentiel énergétique. L'avenir de nos rivières demande un débat démocratique élargi : les adoptions de SDAGE et SAGE sont très peu suivies par les citoyens alors que les orientations choisies modifient leur cadre de vie, engagent des dépenses d'argent public et décident de l'avenir des cours d'eau.

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