Rapportant sur son site grand public un colloque tenu en 2015 sur la grande alose, l'Onema suggère que la baisse d'un facteur 100 depuis 1990 du recrutement de cette espèce en Garonne et Dordogne pourrait être due aux barrages. Extraordinaire, car ces ouvrages n'ont nullement été construits voici 20 ans, mais plus d'un siècle pour la plupart. Et la baisse s'observe dès l'aval des ouvrages. En fait, on ne sait pas pourquoi le recrutement de l'alose a baissé aussi drastiquement en l'espace de deux décennies. Mais taper sur les barrages, c'est devenu de l'ordre du réflexe à l'Onema.
Le site de l'Onema observe dans cet article : "un autre constat bien plus négatif et sans appel est fait sur l’axe Gironde-Garonne-Dordogne. Une régression de la population est notable : au milieu des années 1990, 700.000 aloses remontaient la Garonne et la Dordogne, aujourd’hui, elles ne sont plus que 5 à 10000. Une des causes mise en avant est la difficulté à passer les ouvrages très présents sur les 2 axes (Mauzac, Tuilières, Bergerac, Golfech …), même lorsqu’ils comportent des passes à poissons."
Le barrage de Mauzac a été construit en 1839, rehaussé en 1921. Une passe à poissons y a été installé en 1986, une autre en 2004. Le barrage de Tuilières a été construit en 1844, puis rehaussé en 1905. Plusieurs passes ou ascenseurs à poissons ont été installés (1989, 1997). Le barrage de Bergerac a été construit en 1839. Des échelles à poissons y ont été construites en 185, 1872, 1887, 1987 et enfin 2010. Le barrage de Golfech (Malause) a été mis en service en 1973. Il a été équipé en 1985 d'un ascenseur à poisons. Tous ces barrages sont gérés par EDF. Le premier obstacle est à 270 km de l'estuaire sur la Garonne, à 190 km sur la Dordogne.
Donc, les rédacteurs de l'Onema rapportent sur deux décennies une baisse d'un facteur 100 de la présence d'aloses dans le bassin Gironde-Garonne-Dordogne, et ils en attribuent la cause probable à des ouvrages qui sont présents pour 3 d'entre eux depuis 100 à 150 ans, qui sont tous équipés de dispositifs de franchissement, qui ont plutôt amélioré leur gestion environnementale ces dernières décennies et qui sont fort à l'amont de l'embouchure. Les aloses étaient encore 700.000 au début des années 1990 et d'un seul coup, elles auraient été terrassées en masse par les barrages présents sur les lits depuis des générations. La baisse soudaine d'un recrutement piscicole attribué à une cause ancienne mais qui exprimerait une sorte d'effet-retard : il faut évidemment un esprit assez tortueux pour avancer cela. Un peu comme la disparition rapide des anguilles à compter des années 1970 que certains attribuent à des moulins présents avant la Révolution française...
Au demeurant, l'étude des présentations du colloque (lien ci-dessous) montre que certaines communications ont analysé la franchissabilité des passes (qui est très médiocre, voir Epidor 2015) sans pour autant attribuer la baisse récente du stock à ce facteur causal (et sans envisager l'hypothèse de l'effacement des ouvrages – ce sont des barrages des amis d'EDF, pas de modestes moulins que l'on peut matraquer en paix). Certains affirment que l'Onema doit être respecté comme "conseiller technique et scientifique du gouvernement" et voudraient même que cela soit marqué comme tel dans une "charte des moulins". Mais l'Onema sera respecté quand il sera respectable. Une approche scientifique des milieux aquatiques, oui, avec dans ce cas toutes les précautions qu'implique la communication des hypothèses de science au grand public et aux décideurs ; un service de propagande au service du dogme de la destruction des ouvrages, non merci, on a déjà divers lobbies qui excellent dans ce registre bas de gamme.
Au final, personne ne semble avoir la réponse à la question la plus importante : pourquoi donc observe-t-on une telle baisse de la présence de l'alose dans le bassin Adour-Garonne, à l'aval des ouvrages, y compris après le (très tardif) moratoire sur la pêche de 2008 ? Il nous manque manifestement des paramètres dans la compréhension de la variabilité (naturelle ? forcée ?) interannuelle et pluridécennale du recrutement de cette espèce. Cherchons et étudions un peu plus, réglementons, interdisons, aménageons et effaçons un peu moins…
A lire : Actes du colloque Life+ 2015 à Bergerac ; Brochure Life+ Alose
Illustration : déclin récent du recrutement d'aloses en Dordogne-Garonne, extrait de la communication d'A. Chaumel au colloque.
Le site de l'Onema observe dans cet article : "un autre constat bien plus négatif et sans appel est fait sur l’axe Gironde-Garonne-Dordogne. Une régression de la population est notable : au milieu des années 1990, 700.000 aloses remontaient la Garonne et la Dordogne, aujourd’hui, elles ne sont plus que 5 à 10000. Une des causes mise en avant est la difficulté à passer les ouvrages très présents sur les 2 axes (Mauzac, Tuilières, Bergerac, Golfech …), même lorsqu’ils comportent des passes à poissons."
Le barrage de Mauzac a été construit en 1839, rehaussé en 1921. Une passe à poissons y a été installé en 1986, une autre en 2004. Le barrage de Tuilières a été construit en 1844, puis rehaussé en 1905. Plusieurs passes ou ascenseurs à poissons ont été installés (1989, 1997). Le barrage de Bergerac a été construit en 1839. Des échelles à poissons y ont été construites en 185, 1872, 1887, 1987 et enfin 2010. Le barrage de Golfech (Malause) a été mis en service en 1973. Il a été équipé en 1985 d'un ascenseur à poisons. Tous ces barrages sont gérés par EDF. Le premier obstacle est à 270 km de l'estuaire sur la Garonne, à 190 km sur la Dordogne.
Donc, les rédacteurs de l'Onema rapportent sur deux décennies une baisse d'un facteur 100 de la présence d'aloses dans le bassin Gironde-Garonne-Dordogne, et ils en attribuent la cause probable à des ouvrages qui sont présents pour 3 d'entre eux depuis 100 à 150 ans, qui sont tous équipés de dispositifs de franchissement, qui ont plutôt amélioré leur gestion environnementale ces dernières décennies et qui sont fort à l'amont de l'embouchure. Les aloses étaient encore 700.000 au début des années 1990 et d'un seul coup, elles auraient été terrassées en masse par les barrages présents sur les lits depuis des générations. La baisse soudaine d'un recrutement piscicole attribué à une cause ancienne mais qui exprimerait une sorte d'effet-retard : il faut évidemment un esprit assez tortueux pour avancer cela. Un peu comme la disparition rapide des anguilles à compter des années 1970 que certains attribuent à des moulins présents avant la Révolution française...
Au demeurant, l'étude des présentations du colloque (lien ci-dessous) montre que certaines communications ont analysé la franchissabilité des passes (qui est très médiocre, voir Epidor 2015) sans pour autant attribuer la baisse récente du stock à ce facteur causal (et sans envisager l'hypothèse de l'effacement des ouvrages – ce sont des barrages des amis d'EDF, pas de modestes moulins que l'on peut matraquer en paix). Certains affirment que l'Onema doit être respecté comme "conseiller technique et scientifique du gouvernement" et voudraient même que cela soit marqué comme tel dans une "charte des moulins". Mais l'Onema sera respecté quand il sera respectable. Une approche scientifique des milieux aquatiques, oui, avec dans ce cas toutes les précautions qu'implique la communication des hypothèses de science au grand public et aux décideurs ; un service de propagande au service du dogme de la destruction des ouvrages, non merci, on a déjà divers lobbies qui excellent dans ce registre bas de gamme.
Au final, personne ne semble avoir la réponse à la question la plus importante : pourquoi donc observe-t-on une telle baisse de la présence de l'alose dans le bassin Adour-Garonne, à l'aval des ouvrages, y compris après le (très tardif) moratoire sur la pêche de 2008 ? Il nous manque manifestement des paramètres dans la compréhension de la variabilité (naturelle ? forcée ?) interannuelle et pluridécennale du recrutement de cette espèce. Cherchons et étudions un peu plus, réglementons, interdisons, aménageons et effaçons un peu moins…
A lire : Actes du colloque Life+ 2015 à Bergerac ; Brochure Life+ Alose
Illustration : déclin récent du recrutement d'aloses en Dordogne-Garonne, extrait de la communication d'A. Chaumel au colloque.