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Vade-mecum du propriétaire d'ouvrage hydraulique en rivière classée L2 (continuité écologique)

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La Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'Ecologie a engagé depuis le Plan de restauration de la continuité écologique de 2009 une campagne systématique visant à casser les droits d'eau des moulins, à imposer de façon arbitraire des équipements très coûteux malgré leur faible effet sur les milieux, à décourager la relance de la petite hydro-électricité, à user de l'ensemble de ces pressions pour pousser les propriétaires au désespoir et effacer ainsi le maximum d'ouvrages hydrauliques en rivière. Cette politique est dénoncée aujourd'hui par la campagne nationale du moratoire sur la continuité écologique, et elle le sera demain par le probable contentieux contre plusieurs SDAGE. Mais elle peut et doit aussi être combattue sur chaque seuil et chaque rivière. Voici quelques principes de base pour les moulins les plus exposés (en rivière classée L2 avec aménagement obligatoire d'ici 2017 ou 2018).

Ce mémo s'adresse aux propriétaires (et surtout aux associations de propriétaires) de moulin en rivière classée en liste 2 au titre l'article L 214-17 C env., qui souhaitent préserver leur ouvrage, sa consistance légale et son droit d'eau. Il importe de connaître quelques règles  pour éviter les problèmes et pour amener l'administration à remplir l'ensemble de ses obligations. Nous vous conseillons en cas de doute sur des questions concrètes de vous inscrire sur le Forum de la petite hydro, où les propriétaires partagent des conseils librement (Hydrauxois participe à l'animation de ce Forum). Et surtout de ne pas rester isolé, l'organisation des moulins sur une rivière, un bassin versant, un département étant toujours le moyen le plus efficace de défendre collectivement ses droits.


§1 Principes généraux - Vous devez assurer l'ensemble de vos devoirs de gestion et d'entretien des ouvrages hydrauliques, seuls les propriétaires irréprochables pourront se défendre efficacement. Dans la situation actuelle, compte-tenu de la politique inacceptable de l'Etat, vous ne devez contacter les services instructeurs (DDT-M, Onema, Dreal) qu'en cas de stricte nécessité. En invitant DDT-M et Onema dans votre propriété, vous vous exposez à des critiques, des constats voire des procédures n'ayant rien à voir avec vos questions, vos projets ou vos besoins. Tant que l'action publique sur les ouvrages hydrauliques n'a pas été strictement recadrée, et au vu des excès observés, il n'existe aucune raison d'avoir confiance dans les intentions d'un service de l'Etat en charge de l'eau. Exemple vécu : un propriétaire de bonne foi demande à une DDT comment installer une roue sur le moulin qu'il vient d'acheter, on lui envoie un agent Onema qui fait un constat de ruine et demande l'annulation du droit d'eau. C'est parti pour 5 ans de contentieux. Tant que de telles pratiques existent, un a priori de défiance s'impose. C'est désolant, mais nécessaire. Il n'empêche que l'on doit entretenir des rapports courtois avec les personnes, malgré les désaccords sur le fond. Donc, si vous ne pouvez éviter de contacter DDT-M ou Onema, faites-le après avoir pris conseil d'une association et/ou d'un conseil juridique. Ne soyez pas seul lors de la visite des agents administratifs. Enregistrez au besoin les échanges.

§2 LRAR, conserver la preuve de tout échange important - Tout échange écrit avec une administration (ou un syndicat) se fait par courrier recommandé avec accusé de réception (LRAR). Le récépissé et le contenu doivent être conservés en deux formats (papier et électronique). Il sera parfois utile d'exploiter ces échanges plusieurs années après leur réalisation, donc l'archivage doit être rigoureux et les pièces doivent être facilement accessibles pour votre avocat, votre conseil juridique ou votre association.

§3 Exigence de documents écrits sur tout point stratégique - Les déclarations orales de la DDT-M, de l'Onema, de l'Agence de l'eau sont sans valeur. Vous devez si nécessaire exiger des réponses écrites de ces organismes à toutes vos demandes ou bien encore la communication des rapports écrits de ces organismes (par exemple après une visite de site cf §1). Il en va de même pour certains arguments mentionnés dans des courriers administratifs. Si un document écrit comporte des inexactitudes, il faut en faire état en LRAR. Exemple n°1 : la DDT-M affirme dans un courrier que l'Onema refuse votre analyse de la rivière ou votre projet d'aménagement. Cette simple et vague mention d'un refus de l'Onema n'est pas acceptable, il faut requérir à la DDT-M la communication du rapport écrit intégral de l'Onema afin de juger de la validité de son contenu. L'Onema (comme conseil de la DDT-M) est tenu de démontrer ses évaluations par des références techniques et scientifiques pertinentes, non par des jugements subjectifs et oraux. Si le document n'est pas communiqué, la position de l'administration sera attaquable au tribunal administratif (ou pourra être ignorée). Exemple n°2 : un représentant de l'Agence de l'eau vous dit en visitant votre moulin que l'Agence ne finance pas les passes à poissons dans votre cas (ou que la subvention sera faible). Même chose, il faut que l'agent précise par écrit son refus de financement et les motifs complets de son refus. Les paroles s'envolent, les écrits restent : or, ce sont les écrits que jugent les tribunaux en cas de contentieux. Tout agent administratif est tenu de répondre aux demandes des administrés sur son domaine de compétence et s'expose à poursuite s'il refuse de le faire (d'où la nécessité du LRAR §2).

§4 Cas des rivières classées L2 au titre du L 214-17 C env., nécessité de manifester une intention d'appliquer la loi - Le classement des rivières est paru sur tous les bassins et, à ce jour, il n'a pas été annulé dans le cadre de l'examen de la requête en ce sens déposée par les fédérations et syndicats. Vous devez vous manifester avant échéance du classement (2017 ou 2018, date exacte de la publication du classement au JO à vérifier sur votre bassin). Sans cela, vous courez le risque d'une mise en demeure et vous vous exposez au fait répréhensible d'avoir ignoré la loi (ce que nul ne doit). Il faut néanmoins vous manifester au strict minimum, et comme la requête en annulation est toujours à l'examen, il convient de ne pas le faire trop tôt (attendre par exemple la dernière année du délai légal). Vous n'avez aucune obligation de manifester une intention d'aménager dès 2015 ou 2016. Vous n'avez aucun intérêt à vous engager de façon trop précoce hors les seuls cas où vous avez reçu assurance complète et écrite que votre seuil ne sera ni arasé ni dérasé et que vous ne sera pas soumis à dépenses exorbitantes (voir §8). La procédure pour manifester votre intention de respecter le classement sans pour autant mettre en danger votre bien est précisée au §6.

§5 Cas des études de rivière par syndicat dans le cadre du L 214-17 C env - Certains syndicats proposent de faire analyser par bureau d'études plusieurs moulins sur des tronçons de rivières classées à fin de continuité écologique, sur financement Agence de l'eau et en vue de proposer des solutions. Vous n'avez nulle obligation de payer pour cette étude (contrairement à la pratique plus ou moins illégale répandue en Adour-Garonne). Vous n'avez nulle obligation d'accepter que votre ouvrage soit étudié. Si vous souhaitez être intégré malgré tout dans l'étude, vous devez rappeler au syndicat et au bureau d'étude (BE) que la solution d'effacement n'est pas prévue par la loi. Nous avons conçu un questionnaire spécial pour les BE, que vous devez leur transmettre (lien pour le télécharger). Personne ne doit accepter un rapport de BE incomplet, partial, biaisé, manifestement rédigé pour faire un procès à charge des moulins et sans informations complètes sur les autres impacts de la rivière. Le rapport du BE doit intégrer la totalité des informations nécessaires à un aménagement proportionné aux enjeux (données écologiques, chimiques, culturelles, patrimoniales, juridiques, économiques, etc.). Attention, car les rapports incomplets ou biaisés d'un BE seront ensuite utilisés par l'administration pour prétendre que votre site a été analysé et que vous êtes contraint à des aménagements coûteux (voir §6). Il sera plus difficile et plus long d'apporter la preuve contraire devant un tribunal. C'est la raison pour laquelle, au vu des positions de l'Etat et si vous ne vous sentez pas capable d'argumenter avec le BE sur les points techniques à contrôler, il est préférable de refuser purement et simplement ce genre d'étude proposée par les syndicats de rivière.

§6 Courrier à la DDT-M : demande de motivation des mesures de police relatives à la continuité - Dans la dernière année du délai légal du classement, vous écrivez à la DDT-M de votre département en lui demandant, conformément à l'article L 214-17 C env, de proposer des solutions d'entretien, équipement et gestion de votre ouvrage ; de produire tous les documents permettant de motiver cette proposition administrative dans le respect de la procédure contradictoire ; d'établir que les propositions faites sont conformes aux enjeux écologiques de la rivière, qu'elles n'aggravent pas l'état chimique des eaux, que leur coût est proportionné à leur résultat ; que les droits des tiers sont préservés de même que la consistance de votre ouvrage légalement autorisé. Vous rappelez à la DDT-M que le texte de l'article L 214-17 C env exclut la solution d'effacement des ouvrages. L'ensemble de ces points est expliqué dans le modèle de questionnaire ad hoc que nous avons conçu (lien pour le télécharger, nous contacter pour obtenir la version traitement de texte modifiable). Il est donc important d'envoyer ce questionnaire avant échéance du classement : si la DDT-M n'y répond pas ou fait une réponse dilatoire, elle se met en tort. Vous n'avez pas à aménager votre ouvrage tant que la procédure contradictoire n'a pas été pleinement respectée par une motivation complète des mesures de police de l'administration. Si la DDT-M engage une mise en demeure d'aménagement sans avoir respecté cette procédure contradictoire, ou après y avoir répondu de manière dilatoire, l'arrêté de mise en demeure serait attaqué au tribunal administratif.

§7 Courrier à l'Agence de l'eau : demande de précision sur les financement exacts des dispositifs de continuité écologique - Dans la dernière année du délai légal, vous écrivez à l'Agence de l'eau dont vous dépendez en précisant que vous envisagez d'aménager votre ouvrage selon les prescriptions qui seront proposées par la DDT-M puis concertées par échange avec elle (cf §6), que la solution d'effacement total ou partiel est exclue (en conformité à la loi et au respect de la consistance légale de votre ouvrage autorisé), que vous souhaitez connaître avec précision le niveau de subvention accordé par l'Agence aux aménagements de continuité (changement de vanne, passe à poisson, rivière de contournement). Il est probable que l'Agence vous répondra qu'elle ne finance qu'entre 0% et 50% ce type de travaux. Si l'Agence fait une réponse dilatoire du type "nous décidons au cas par cas après examen", insistez en posant que vous ne sauriez engager aucune étude ni réflexion tant que vous ne connaissez pas à l'avance le barème précis des subventions accordées par l'Agence selon les divers types d'aménagement (ce barème est fixé par le conseil d'administration ou le comité de bassin de chaque Agence). Conservez la réponse écrite, qui servira si nécessaire à démontrer le caractère exorbitant de la dépense demandée pour l'aménagement et en dernier ressort à justifier des demandes d'indemnités à hauteur de la part non subventionnée par l'Agence. Le cas échéant, le contenu de la réponse pourra également servir à d'autres contentieux préparés par vos associations contre les Agences.

§8 Cas pour lesquels un accord est possible - Les seuls cas d'un accord possible sont ceux où l'on vous propose un financement public quasi-intégral d'un aménagement non destructif (à condition qu'il n'implique aucune autre servitude que l'entretien de l'aménagement, charge déjà lourde, ni aucun changement de la consistance légale de votre ouvrage), ou bien encore les constats par la DDT-M que votre ouvrage ne représente pas de problème de continuité écologique et n'appelle pas de travaux d'aménagement au titre du L 214-17 C env.

§9 Conclusion : répondre au harcèlement par le harcèlement, nécessité de l'unité - Les moulins sont victimes de harcèlement réglementaire au nom de réformes absurdes sur le plan des besoins réels pour la qualité de l'eau. Ils sont contraints de répondre au harcèlement par le harcèlement, et si nécessaire à l'absurde par l'absurde. Puisque l'administration est pointilleuse, il faut être pointilleux avec elle. Puisque l'administration prétend détenir les "preuves" que chaque ouvrage hydraulique pose un problème grave aux milieux, il faut lui demander de produire l'ensemble de ces preuves. Si des milliers de propriétaires d'ouvrages en rivière classée L2 agissent comme il est indiqué ci-dessus, les services de l'Etat et des agences seront débordés. Ils comprendront que toute tentative d'imposer un effacement (contraire à la loi) ou un aménagement coûteux sans indemnité (également contraire à la loi) sera vaine et ils feront remonter le problème à leur hiérarchie. La défense efficace des moulins dépend dans une très large mesure de leur capacité à se coordonner et à construire une stratégie cohérente de défense. A l'inverse, rester isolé et croire que vous arriverez à une solution amiable est le meilleur moyen de perdre vos droits, de dévaloriser votre bien et/ou de mettre le doigt dans l'engrenage de dépenses exorbitantes.

PS : bien entendu, si le Ministère de l'Ecologie reconnaît les excès de sa Direction de l'eau et produit une circulaire corrigeant les pratiques intenables des services instructeurs et des représentants de l'Etat dans les Agences de l'eau, le présent vade-mecum sera caduc et les moulins pourront reprendre une attitude plus ouverte dans la gestion commune et équilibrée de la rivière. Ce qui est notre souhait. Nous savons très bien que nombre de fonctionnaires en charge de l'eau, tenus par leur devoir de réserve, connaissent les difficultés du terrain, la complexité croissante de la réglementation, la disproportion entre le très faible impact des moulins et l'obsession de leur contrôle permanent, voire de leur disparition, par la Direction de l'Eau du Ministère. Rappelons que de nombreux moulins agrémentent le paysage des vallées, entretiennent le patrimoine historique et technique français, font vivre par les travaux de restauration l'artisanat des territoires ruraux, participent au tourisme local, gèrent les niveaux d'eau au bénéfice des riverains et de certains usagers tirant avantage de la retenue, donnent l'alerte en cas de pollution aiguë, retirent les déchets de la rivière pris dans leur grille, produisent une énergie locale bas-carbone qui limite le réchauffement climatique, ont généralement de bons rapports avec les pêcheurs et autres parties prenantes, ouvrent leurs portes aux écoles et aux curieux lors des journées nationales du patrimoine, des moulins ou de l'énergie. Le refus de reconnaître ces réalités, la volonté maladive de détruire les ouvrages hydrauliques, l'omission des droits des propriétaires et la tromperie organisée sur les causes réelles de dégradations des rivières sont à l'origine d'une rupture de confiance sans précédent entre les riverains et les représentants de l'Etat (ainsi qu'avec les syndicats de rivière, victimes indirectes de l'obligation de mettre en oeuvre des politiques décriées car infondées et disproportionnées).

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