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Le retour du décret scélérat du gouvernement pour détruire et assécher les patrimoines de l'eau sur simple déclaration

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Loin de vouloir l'apaisement au bord des rivières, le gouvernement veut continuer son programme fou de destruction des retenues d'eau anciennes. Le conseil d'Etat avait annulé en 2022 le décret scélérat de 2020 qui prévoyait notamment cette destruction des moulins, étangs, plans d'eau, canaux sans aucune autorisation administrative, sans enquête publique ni étude d'impact, sur simple déclaration opaque et loin du regard des citoyens. Le ministère de l'écologie remet le couvert et propose un nouveau décret en ce sens, avec un toilettage ultra-minimal pour se conformer à l'arrêt du conseil d'Etat. Vous pouvez exprimer votre critique du texte lors de la phase de consultation. Et nous allons bien sûr requérir son annulation s'il était adopté en l'état. 



Petit retour en arrière : le régime des installations, ouvrages et travaux en rivière des années 2010 prévoyait que pour tout chantier un peu important, modifiant plus de 100 mètres de linéaire d'eau, une procédure d'autorisation est nécessaire. C'est logique : on ne joue pas de manière arbitraire avec les écoulements d'eau qui ont des impacts sur les riverains, les paysages, les usages et les milieux. Il faut y associer de près les citoyens, comme le veut le principe de démocratie environnementale. 

Mais voilà : ce régime d'autorisation suppose d'une étude d'impact complète et une enquête publique. Or, certains travaux menés au nom d'une soi-disant écologie sont très impopulaires. Le ministère de l'écologie et ses clientèles ont ainsi découvert que leur projet fou de détruire les ouvrages hydrauliques anciens au nom de la continuité dite écologique soulevait une très forte opposition riveraine. L'étude d'impact et l'enquête publique permettaient de s'exprimer à ce sujet, et aussi de préparer des contentieux si le maître d'ouvrage ne prenait pas acte du refus des citoyens de détruire les moulins, les forges, les étangs, les plans d'eau, les canaux, les biefs – tous ces ouvrages dont le seul crime est de ne pas être conforme à une nouvelle utopie intégriste et hors-sol du retour à la rivière sauvage. Les réalités derrière ces manoeuvres et proclamations sur le "sauvetage des rivières" sont moins reluisantes. Le gouvernement faisant peu sur les excès de pollution, d'artificialisation et de prélèvement, il offre à certains un lot de consolation : créer localement une pseudo-nature sauvage de carte postale, à la pelleteuse et au bulldozer, en agressant pour cela des acteurs moins puissants et moins influents que les grands producteurs. Les patrimoines de l'eau ne pèsent pas assez dans le PIB pour être entendus par les hauts fonctionnaires et cabinets ministériels faisant la pluie et le beau temps...

Le premier décret scélérat de 2020 annulé par le conseil d'Etat, mais le gouvernement revient à la charge
Un décret scélérat a été promulgué par Edouard Philippe aux derniers jours de son mandat de Premier ministre, qui éliminait purement et simplement le régime d'autorisation pour tous les chantiers supposés être écologiques, dont les destructions d'ouvrage. Une simple déclaration (procédure opaque) permettait désormais de modifier 10, 100, 1000 ou 10 000 mètres de linéaire de rivière, sans que les citoyens soient correctement informés, sans que l'impact soit correctement évalué, sans que le bon usage de l'argent public dans les priorités de l'eau soit discuté. 

Notre association Hydrauxois a déjà obtenu avec ses consoeurs l'annulation au conseil d'Etat de ce premier décret de 2020. Mais le ministère de l'écologie n'en a cure et il repropose le même texte avec des modifications mineures (voir le projet de décret en consultation publique). Malheureusement, nous préparons un recours contre cette nouvelle mouture du décret dans l'hypothèse où elle serait retenue et promulguée. Le conseil d'Etat n'avait examiné qu'un seul de la douzaine de moyens soulevés par les plaignants dans la première procédure. 

Il y a d'abord le cas de la destruction / dessication aberrante et contre-productive des moulins, forges, étangs, plans d'eau, biefs, canaux, qui va à l'encontre de la politique de rétention d'eau et de transition énergétique, ainsi qu'à l'encontre de l'attachement riverain aux patrimoines et paysages. De surcroît, il n'existe pas une seule étude scientifique suggérant que ces ouvrages anciens sont une altération grave de l'état écologique ou chimique de l'eau. Le simple bon sens suggère qu'un moulin ou étang d'Ancien régime n'est pas vraiment le premier problème du pays dans les crises qu'il traverse. Par ailleurs, le ministère de l'écologie sait très bien que c'est un casus belli, depuis plus de 10 ans : au lieu de retirer ce point conflictuel du décret, il le maintient pour faire plaisir à quelques lobbies (une fraction des pêcheurs de salmonidés et des naturalistes voulant le retour à la rivière sauvage, des réalités sociales fort minoritaires au bord des rivières). 

Il y a ensuite et plus généralement une incompréhension : un chantier de génie écologique ou de "renaturation" est avant tout un chantier. Il mobilise de l'argent public, il modifie le régime des écoulements, il implique des risques parfaitement identifiés dans la documentation technique de la restauration de milieux : par exemple, incision des lits, instabilité des berges, abaissement des nappes donc altération du stockage et du  prélèvement, remontée d'espèces invasives, destruction d'espèces locales d'intérêt qui ont colonisé la zone, rétraction argile / pourrissement bois et fragilisation du bâti, modification locale des régimes d'assec et d'inondation, perte de réserve eau incendie, etc.

Un choix aberrant à l'heure de la crise de l'eau et de l'énergie, une censure de la démocratie environnementale
A moins d'être un apprenti sorcier aveuglé par son idéologie, de tels risques sont à prendre en compte et à discuter avec la population concernée. Ces risques sont attestés dans les retours d'expérience et dans la littérature scientifique. Ils font partie de l'analyse coût-bénéfice des chantiers écologiques, indispensable pour éviter que l'argent public (de plus en plus rare) paie des danseuses inutiles voire nuisibles.

Plus le chantier est ambitieux (c’est-à-dire  plus il concerne un grand linéaire, beaucoup de propriétés riveraines et beaucoup d’argent public), plus il est indispensable de procéder en toute transparence à une étude d'impact, à une analyse de sûreté des tiers, à une estimation coût-avantage-risque par rapport aux besoins du bassin versant comme aux urgences du pays, à une concertation avec les citoyens et une enquête publique pour vérifier la sincérité et la complétude de cette concertation. 

Refuser de faire cela, souhaiter une simple déclaration opaque entre le maître d'ouvrage et l'Etat, créer un régime d'exception ad hoc et donc une inégalité des projets devant leurs obligations de respect des tiers, c'est inacceptable. 

Les fonctionnaires et gestionnaires de l'eau qui applaudissent ce régime d'exception ne vont que subir une défiance et une conflictualité renforcées
Il est dommage que les acteurs locaux de l'eau ne le comprennent pas, notamment ceux des syndicats, des agences de l'eau, des DDT-Dreal et de l'OFB qui se sont plaints de l'annulation du premier décret de 2020 : ce dossier nuit fortement à leur image. Et ils subiront de toute façon de l'insécurité juridique : nous attaquerons en justice les chantiers simplement déclarés et mal fondés ; au moindre problème mal anticipé et créant un dommage, nous attaquerons également au pénal, avec d'autant moins de retenue qu'il aura été impossible de concerter avant et que les décideurs devront payer en ce cas leur choix arbitraire. 

Les gestionnaires publics de l'eau veulent-il laisser dans l'histoire cette image de gens qui, alors que le pays traverse crise hydrique et crise énergétique, pensent que la première urgence est de dépenser l'argent public pour détruire ce qui retient l'eau, peut produire de l'énergie bas-carbone, crée des agréments riverains? Qui a intérêt au maintien de cette défiance et de cette conflictualité? Quand le ministère de l'écologie va-t-il acter que le retour à la rivière sauvage n'est nullement une cause d'intérêt général, mais une lubie pour quelques minorités non représentatives des enjeux sociaux et de l'intérêt général?

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