Dans un communiqué en date du 10 novembre 2022, la Fédération nationale de la pêche en France invective brutalement les sénateurs français en les accusant d’avoir engagé un «massacre» sur les rivières par des amendements favorables à la relance de la petite hydro-électricité dans l’examen de la loi d’accélération des énergies renouvelables.
Cette position déplorable dans le fond et dans la forme, :
- Va à l’encontre des lois françaises qui ont déjà demandé en 2019 la relance de la «petite hydro-électricité» face à «l’urgence climatique et écologique»
- Va à l’encontre des directives européennes qui intègrent l’hydro-électricité dans les options de la transition bas-carbone, y compris en autoconsommation, mais aussi en projets plus ambitieux
- Va évidemment à l’encontre de la mobilisation nécessaire pour la sauvegarde du climat et pour l’autonomie énergétique de l’Europe.
La difficulté des institutions de la pêche à mettre en œuvre partage et conciliation des usages de l’eau
On peut déjà se demander depuis quelle légitimité une fédération de pêche soumise à agrément public se permet de distribuer des mauvais points dans les choix démocratiques de la République française et de l’Union européenne.
Ce comportement très négatif de la FNPF n’est hélas pas une première. Et il diverge des avis plus pondérés de nombreuses associations de pêche locales.
Les représentants officiels des pêcheurs ont parfois du mal à accepter les autres usages légaux et légitimes de l’eau, définis notamment dans le code de l’environnement. La «gestion équilibrée et durable de l’eau» (article L 211-1 code envi.) inclut de nombreuses dimensions, outre la nécessaire protection écologique : stockage et partage de la ressource, production d’énergie, patrimoine culturel, etc. Il n’est ni durable ni équilibré d’afficher une position assez systématiquement agressive vis-à-vis des dizaines de milliers d’ouvrages hydrauliques que comptent les bassins versants français et qui apportent de nombreux services écosystémiques aux riverains. D’autant que les pêcheurs sont eux-mêmes gestionnaires d’un important patrimoine de plans d’eau qui servent de zones refuges aux poissons ou de pisciculture.
Dans le cas de la transition énergétique et de l’urgence climatique, il est particulièrement inaudible qu’une fédération de pêche appelle à entraver les efforts des citoyens et des collectivités pour développer des énergies propres, locales et non fossiles – ici l’énergie de l’eau.
Faire avancer ensemble la transition énergétique et la conservation écologique
Il existe des préoccupations très légitimes pour éviter la mortalité de poissons dans les dispositifs de production hydro-électrique. Cette mortalité est accidentelle et non volontaire (comme dans le cas de la pêche…).
Les dispositifs à air libre comme les vis d’Archimède et les roues de moulin ont une mortalité faible à nulle, car ils n’ont pas de dépressurisation (problème de la mortalité par changement de pression) et tournent lentement (problème de la mortalité par choc). Les dispositifs immergés sous pression comme les turbines ont une mortalité plus importante pour ceux des poissons qui empruntent la voie de la turbine au lieu de dévaler par les autres dispositifs prévus à cet effet. Cette mortalité en turbine serait en moyenne de 22.3% (Radinger et al 2022, doi.org/10.1111/cobi.13870). Mais elle est très variable dans sa distribution (de 0 à 100%) : cela indique la nécessité de prendre en compte les contextes (non de faire des généralités sur tous les ouvrages) et d’identifier les pratiques les plus vertueuses (non de condamner par principe).
Pour éviter cette mortalité accidentelle, le monde des producteurs hydro-électriques travaille à de nombreuses améliorations, d’abord pour faire en sorte que le minimum de poissons empruntent la voie turbinée : respect du débit environnemental réservé, zone de dévalaison sur les ouvrages ou en exutoire du canal d’amenée, grilles à entrefer étroit devant la chambre de turbine pour éviter le passage des animaux de plus grande taille, etc. Quand les sites sont bien conçus, la grande majorité des poissons n’empruntent pas la voie du dispositif hydromécanique, donc ne sont pas concernés par les taux de mortalité observés pour ceux qui s’y égarent.
Pour concilier transition énergétique et conservation écologique, nous devons viser ces démarches intelligentes et concertées avec les acteurs. Nous appelons les parlementaires à engager les réformes législatives qui permettent ce progrès bénéfique pour les rivières, leurs usages, leurs milieux et leurs contributions au bien-être des citoyens. Cela inclut le développement de l’hydro-électricité responsable dans tous les territoires.
Soyons lucides et agissons sur ce qui est important : les poissons comme le reste de la faune aquatique souffrent d’abord des eaux polluées, raréfiées, réchauffées, et non pas des relances de moulins ou petites usines à eau.
Merci à nos lecteurs de diffuser ce communiqué à leur sénateur, à leur député, à leurs élus locaux.