L’heure est toujours à la mobilisation pour les amoureux du canal d’Elne, un ouvrage de 17 km édifié au Xe siècle pour irriguer les cultures de la plaine d’Illibéris (d’Elne à St-Cyprien), dans les Pyrénées Orientales. Le schéma d'aménagement du bassin du Tech, validé en 2018, prévoyait de remettre en cause les chaussées de dérivation (rescloses) qui permettent d'alimenter cet ouvrage d'art et tous les services écosystémiques associés. Les citoyens rassemblés dans un collectif de défense de ce système hydraulique et de ses usages ancestraux appellent à une réunion publique d'information et de débat le 23 novembre prochain. La loi interdit désormais la remise en cause de l'usage actuel ou potentiel des ouvrages hydrauliques dans le cadre de la continuité écologique: les préfets doivent l'appliquer de manière stricte. Il est temps de faire cesser une fois pour toutes les conflits permanents alimentés par les dérives des extrémistes négateurs et destructeurs des patrimoines multiples de l'eau.
Le Canal d'Elne (source)
Appel des riverains du Canal d'Elne
Canal d'irrigation majeur en plaine du Roussillon, le Canal d’Elne fonctionne grâce à une alimentation gravitaire par l'intermédiaire d'un seuil en rivière (resclosa) qui prélève de l’eau du Tech. A Elne, il se sépare en deux branches d’environ 17 km, vers Latour-Bas-Elne et St-Cyprien. Lié à un vaste réseau de ruisseaux d’écoulement (agulles), cet outil ancestral témoigne de plus de 1000 ans de gestion de l'eau en Roussillon. Vecteur essentiel de l’essor agricole de la plaine d’Illibéris, il participe à l'alimentation des nappes phréatiques quaternaires depuis des siècles. Son tracé suit en grande partie des "paléo-chenaux", c’est-à-dire de très anciens tracés du Tech. L’environnement, l’économie, l’emploi et le patrimoine se rejoignent autour de cet ouvrage précieux.
Le Collectif Canal d’Elne est né en 2018 pour protéger cette infrastructure. À l’origine, plusieurs citoyens se sont mobilisés à l'occasion de la validation du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du Tech, en 2017. Ce texte a mis en lumière les menaces qui pèsent sur les rescloses ancestrales, notamment l'étude “Tech Aval”, lancée en 2015, prescrivant l'abaissement de la resclosa de 1,70 m, afin de répondre au classement “Liste 2” du Tech. L'objectif étant de faciliter le passage des poissons migrateurs et des sédiments, en vertu d'un principe de “Continuité écologique” fort mal interprété. Cette décision inadaptée aurait condamné définitivement le canal, cruellement privé de son alimentation gravitaire en eau. Plus largement, il semble prévisible que l'abaissement de la resclosa affecte gravement les paléo chenaux qui alimentent les nappes phréatiques et renforcent la ressource en eau potable.
Une victoire fragile...
En 2018 et 2019, la population d'Elne et des environs s’est saisie du problème. Le 15 février dernier, le Conseil d'État s'est prononcé sur le décret scélérat du 3 août 2019, qui donnait une portée trop large au principe de continuité écologique, tandis que l'Assemblée nationale et le Sénat ont été saisis, le 10 juin, d'un amendement à la loi "Climat et résilience", qui interdit l’arasement des seuils en rivière alimentant un moulin. Ces avancées sont des victoires pour le Canal d'Elne, mais elles n'excluent pas la vigilance, car des doutes subsistent sur son avenir.
Afin de maintenir la vigilance de la population et de porter à la connaissance de tous les éléments dont le Collectif a été informé, une réunion publique d’information est organisée mardi 23 novembre de 18h à 19h45 au Cinéma René Vautier, 13 Bd Voltaire, 66200 Elne. Les avancées juridiques, les questions en suspens et les enjeux généraux de la gestion de l’eau en Roussillon seront abordés.